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AVENTURES DU CAPITAINE HATTERAS

vements sous-marins. Johnson, en apprenant cette situation du Forward au pôle du froid, observa plus sévèrement encore ses mesures d’hivernage.

« Nous en verrons de rudes ! avait-il dit au docteur ; voilà bien la chance du capitaine ! aller se faire pincer au point le plus désagréable du globe ! Bah ! vous verrez que nous nous en tirerons. »

Quant au docteur, au fond de sa pensée, il était tout simplement ravi de la situation. Il ne l’eût pas changée pour une autre ! Hiverner au pôle du froid, quelle bonne fortune !

Les travaux de l’extérieur occupèrent d’abord l’équipage ; les voiles demeurèrent enverguées au lieu d’être serrées à fond de cale, comme le firent les premiers hiverneurs ; elles furent uniquement repliées dans leur étui, et bientôt la glace leur fit une enveloppe imperméable ; on ne dépassa même pas les mâts de perroquet, et le nid de pie resta en place. C’était un observatoire naturel. Les manœuvres courantes furent seules retirées.

Il devint nécessaire de couper le champ autour du navire, qui souffrait de sa pression. Les glaçons, accumulés sur ses flancs, pesaient d’un poids considérable ; il ne reposait pas sur sa ligne de flottaison habituelle. Travail long et pénible. Au bout de quelques jours, la carène fut délivrée de sa prison, et l’on profita de cette circonstance pour l’examiner ; elle n’avait pas souffert, grâce à la solidité de sa construction ; seulement son doublage de cuivre était presque entièrement arraché. Le navire, devenu libre, se releva de près de neuf pouces ; on s’occupa alors de tailler la glace en biseau suivant la forme de la coque ; de cette façon, le champ se rejoignait sous la quille du brick et s’opposait lui-même à tout mouvement de pression.

Le docteur participait à ces travaux ; il maniait adroitement le couteau à neige ; il excitait les matelots par sa bonne humeur. Il instruisait et s’instruisait. Il approuva fort cette disposition de la glace sous le navire.

« Voilà une bonne précaution, dit-il.

— Sans cela, monsieur Clawbonny, répondit Johnson, on n’y résisterait pas. Maintenant, nous pouvons sans crainte élever une muraille de neige jusqu’à la hauteur du plat-bord ; et, si nous voulons, nous lui donnerons dix pieds d’épaisseur, car les matériaux ne manquent pas.

— Excellente idée, reprit le docteur ; la neige est un mauvais conducteur de la chaleur ; elle réfléchit au lieu d’absorber, et la température intérieure ne pourra pas s’échapper au dehors.

— Cela est vrai, répondit Johnson ; nous élevons une fortification contre le froid, mais aussi contre les animaux, s’il leur prend fantaisie de nous rendre