Page:Verne - Voyages et aventures du capitaine Hatteras.djvu/166

Cette page a été validée par deux contributeurs.
156
AVENTURES DU CAPITAINE HATTERAS

mère et d’hypothèse ? Et l’on n’a pas voulu me croire, et vous-même, Wall, vous avez pris parti contre moi !

— On vous croira désormais, Shandon.

— Oui, répondit ce dernier, quand il sera trop tard. »

Et il rentra dans sa cabine, où il se tenait presque toujours renfermé depuis sa discussion avec le capitaine.

Le vent retomba dans le sud vers le soir. Hatteras fit alors établir sa voilure et éteindre ses feux ; pendant plusieurs jours, les plus pénibles manœuvres furent reprises par l’équipage ; à chaque instant, il fallait ou lofer ou laisser arriver, ou masquer brusquement les voiles pour enrayer la marche du brick ; les bras des vergues déjà roidis par le froid couraient mal dans les poulies engorgées et ajoutaient encore à la fatigue ; on mit plus d’une semaine à atteindre la pointe Barrow. Le Forward n’avait pas gagné trente milles en dix jours.

Là, le vent sauta de nouveau dans le nord, et l’hélice fut remise en mouvement. Hatteras espérait encore trouver une mer affranchie d’obstacles au-delà du soixante-dix-septième parallèle, telle que la vit Edward Belcher.

Et cependant, s’il s’en rapportait aux récits de Penny, cette partie de mer qu’il traversait en ce moment aurait dû être libre, car Penny, arrivé à la limite des glaces, reconnut en canot les bords du canal de la Reine jusqu’au soixante-dix-septième degré.

Devait-il donc regarder ces relations comme apocryphes ? ou bien un hiver précoce venait-il s’abattre sur ces régions boréales ?

Le 15 août, le mont Percy dressa dans la brume ses pics couverts de neiges éternelles ; le vent très-violent chassait devant lui une mitraille de grésil qui crépitait avec bruit. Le lendemain, le soleil se coucha pour la première fois, terminant enfin la longue série des jours de vingt-quatre heures. Les hommes avaient fini par s’habituer à cette clarté incessante ; mais les animaux en ressentaient peu l’influence ; les chiens groënlandais se couchaient à l’heure habituelle, et Duk lui-même s’endormait régulièrement chaque soir, comme si les ténèbres eussent envahi l’horizon.

Cependant, pendant les nuits qui suivirent le 15 août, l’obscurité ne fut jamais profonde ; le soleil, quoique couché, donnait encore une lumière suffisante par réfraction.

Le 19 août, après une assez bonne observation, on releva le cap Franklin sur la côte orientale, et, sur la côte occidentale, le cap Lady-Franklin ; ainsi, au point extrême atteint sans doute par ce hardi navigateur, la reconnaissance de ses compatriotes voulut que le nom de sa femme si dévouée fît face à son