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LES ANGLAIS AU POLE NORD

Clure, après avoir franchi quatre cent soixante-dix milles sur les glaces, rejoignit le Phénix et revint en Angleterre. Le dernier navire qui mouilla à l’île Beechey avant le Forward fut le Fox ; Mac Clintock s’y ravitailla le 11 août 1855 et y répara les habitations et les magasins ; il n’y avait pas deux ans de cela ; Hatteras était au courant de ces détails.

Le cœur du maître d’équipage battait fort à la vue de cette île ; lorsqu’il la visita, il était alors quartier-maître à bord du Phénix ; Hatteras l’interrogea sur la disposition de la côte, sur les facilités du mouillage, sur l’atterrissement possible ; le temps se faisait magnifique ; la température se maintenait à cinquante-sept degrés (+14° centig.).

« Eh bien, Johnson, demanda le capitaine, vous y reconnaissez-vous ?

— Oui, capitaine, c’est bien l’île Beechey ! Seulement, il nous faudra laisser porter un peu au nord ; la côte y est plus accostable.

— Mais les habitations, les magasins ? dit Hatteras.

— Oh ! vous ne pourrez les voir qu’après avoir pris terre ; ils sont abrités derrière ces monticules que vous apercevez là-bas.

— Et vous y avez transporté des provisions considérables ?

— Considérables, capitaine. Ce fut ici que l’Amirauté nous envoya en 1853, sous le commandement du capitaine Inglefield, avec le steamer le Phénix et un transport chargé de provisions, le Breadalbane ; nous apportions de quoi ravitailler une expédition tout entière.

— Mais le commandant du Fox a largement puisé à ces provisions en 1855, dit Hatteras.

— Soyez tranquille, capitaine, répliqua Johnson, il en restera pour vous : le froid conserve merveilleusement, et nous trouverons tout cela frais et en bon état comme au premier jour.

— Les vivres ne me préoccupent pas, répondit Hatteras ; j’en ai pour plusieurs années ! ce qu’il me faut, c’est du charbon.

— Eh bien, capitaine, nous en avons laissé plus de mille tonneaux ; ainsi vous pouvez être tranquille.

— Approchons-nous, reprit Hatteras, qui, sa lunette à la main, ne cessait d’observer la côte.

— Vous voyez cette pointe, reprit Johnson ; quand nous l’aurons doublée, nous serons bien près de notre mouillage. Oui, c’est bien de cet endroit que nous sommes partis pour l’Angleterre avec le lieutenant Creswell et les douze malades de l’Investigator. Mais si nous avons eu le bonheur de rapatrier le lieutenant du capitaine Mac Clure, l’officier Bellot, qui nous accompagnait sur le