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serais encore heurté à quelque impossibilité qui eût fait bondir le professeur.

Il était évident, cependant, que l’air, sous une pression qui pouvait atteindre des milliers d’atmosphères, finirait par passer à l’état solide, et alors, en admettant que nos corps eussent résisté, il faudrait s’arrêter, en dépit de tous les raisonnements du monde.

Mais je ne fis pas valoir cet argument. Mon oncle m’aurait encore riposté par son éternel Saknussemm, précédent sans valeur ; car, en tenant pour avéré le voyage du savant Islandais, il y avait une chose bien simple à répondre :

Au seizième siècle, ni le baromètre ni le manomètre n’étaient inventés ; comment donc Saknussemm avait-il pu déterminer son arrivée au centre du globe ? Mais je gardai cette objection pour moi, et j’attendis les événements.

Le reste de la journée se passa en calculs et en conversation. Je fus toujours de l’avis du professeur Lidenbrock, et j’enviai la parfaite indifférence de Hans, qui, sans tant chercher les effets et les causes, s’en allait aveuglément où le menait la destinée.

XXVI

Il faut l’avouer, les choses jusqu’ici se passaient bien, et j’aurais eu mauvaise grâce à me plaindre. Si la « moyenne » des difficultés ne s’accroissait pas, nous ne pouvions manquer d’atteindre notre but. Et quelle gloire alors ! J’en étais arrivé à faire de ces raisonnements à la Lidenbrock. Sérieusement. Cela tenait-il au milieu étrange dans lequel je vivais ? Peut-être.

Pendant quelques jours, des pentes plus rapides, quelques-unes même d’une effrayante verticalité, nous engagèrent profondément dans le massif interne. Par certaines journées, on gagnait une lieue et demie à deux lieues vers le centre. Descentes périlleuses, pendant lesquelles l’adresse de Hans et son merveilleux sang-froid nous furent très-utiles. Cet impassible Islandais se dévouait avec un incompréhensible sans-façon, et, grâce à lui, plus d’un mauvais pas fut franchi dont nous ne serions pas sortis seuls.

Par exemple, son mutisme s’augmentait de jour en jour. Je crois même qu’il nous gagnait. Les objets extérieurs ont une action réelle sur le cerveau. Qui s’enferme entre quatre murs finit par perdre la faculté d’associer les idées et les mots. Que de prisonniers cellulaires devenus imbéciles, sinon fous, par le défaut d’exercice des facultés pensantes !

Pendant les deux semaines qui suivirent notre dernière conversation, il ne se