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— En effet, monsieur le naturaliste, me répondit-il, et nous allons les combattre corps à corps. »

Je regardai le capitaine. Je croyais n’avoir pas bien entendu.

« Corps à corps ? répétai-je.

— Oui, monsieur. L’hélice est arrêtée. Je pense que les mandibules cornées de l’un de ces calmars se sont engagées dans ses branches. Ce qui nous empêche de marcher.

— Et qu’allez-vous faire ?

— Remonter à la surface et massacrer toute cette vermine.

— Entreprise difficile.

— En effet. Les balles électriques sont impuissantes contre ces chairs molles où elles ne trouvent pas assez de résistance pour éclater. Mais nous les attaquerons à la hache.

— Et au harpon, monsieur, dit le Canadien, si vous ne refusez pas mon aide.

— Je l’accepte, maître Land.

— Nous vous accompagnerons, dis-je, » et, suivant le capitaine Nemo, nous nous dirigeâmes vers l’escalier central.

Là, une dizaine d’hommes, armés de haches d’abordage, se tenaient prêts à l’attaque. Conseil et moi, nous prîmes deux haches. Ned Land saisit un harpon.

Le Nautilus était alors revenu à la surface des flots. Un des marins, placé sur les derniers échelons, dévissait les boulons du panneau. Mais les écrous étaient à peine dégagés, que le panneau se releva avec une violence extrême, évidemment tiré par la ventouse d’un bras de poulpe.

Aussitôt un de ces longs bras se glissa comme un serpent par l’ouverture, et vingt autres s’agitèrent au-dessus. D’un coup de hache, le capitaine Nemo coupa ce formidable tentacule, qui glissa sur les échelons en se tordant.

Au moment où nous nous pressions les uns sur les autres pour atteindre la plate-forme, deux autres bras, cinglant l’air, s’abattirent sur le marin placé devant le capitaine Nemo et l’enlevèrent avec une violence irrésistible.

Le capitaine Nemo poussa un cri et s’élança au-dehors. Nous nous étions précipités à sa suite.

Quelle scène ! Le malheureux, saisi par le tentacule et collé à ses ventouses, était balancé dans l’air au caprice de cette énorme trompe. Il râlait, il étouffait, il criait : À moi ! à moi ! Ces mots, prononcés en français, me causèrent une profonde stupeur ! J’avais donc un compatriote à bord, plusieurs, peut-être ! Cet appel déchirant, je l’entendrai toute ma vie !