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— Parlez, Ned.

— Combien d’hommes croyez-vous qu’il y ait à bord du Nautilus ?

— Je ne saurais le dire, mon ami.

— Il me semble, reprit Ned Land, que sa manœuvre ne nécessite pas un nombreux équipage.

— En effet, répondis-je, dans les conditions où il se trouve, une dizaine d’hommes au plus doivent suffire à le manœuvrer.

— Eh bien, dit le Canadien, pourquoi y en aurait-il davantage ?

— Pourquoi ? » répliquai-je.

Je regardai fixement Ned Land, dont les intentions étaient faciles à deviner.

« Parce que, dis-je, si j’en crois mes pressentiments, si j’ai bien compris l’existence du capitaine, le Nautilus n’est pas seulement un navire. Ce doit être un lieu de refuge pour ceux qui, comme son commandant, ont rompu toute relation avec la terre.

— Peut-être, dit Conseil, mais enfin le Nautilus ne peut contenir qu’un certain nombre d’hommes, et monsieur ne pourrait-il évaluer ce maximum ?

— Comment cela, Conseil ?

— Par le calcul. Étant donné la capacité du navire que monsieur connaît, et, par conséquent, la quantité d’air qu’il renferme ; sachant d’autre part ce que chaque homme dépense dans l’acte de la respiration, et comparant ces résultats avec la nécessité où le Nautilus est de remonter toutes les vingt-quatre heures… »

La phrase de Conseil n’en finissait pas, mais je vis bien où il voulait en venir.

« Je te comprends, dis-je ; mais ce calcul-là, facile à établir d’ailleurs, ne peut donner qu’un chiffre très incertain.

— N’importe, reprit Ned Land, en insistant.

— Voici le calcul, répondis-je. Chaque homme dépense en une heure l’oxygène contenu dans cent litres d’air, soit en vingt-quatre heures l’oxygène contenu dans deux mille quatre cents litres. Il faut donc chercher combien de fois le Nautilus renferme deux mille quatre cents litres d’air.

— Précisément, dit Conseil.

— Or, repris-je, la capacité du Nautilus étant de quinze cents tonneaux, et celle du tonneau de mille litres, le Nautilus renferme quinze cent mille litres d’air, qui, divisés par deux mille quatre cents… »

Je calculai rapidement au crayon :

«… donnent au quotient six cent vingt-cinq. Ce qui revient à dire que l’air contenu dans le Nautilus pourrait rigoureusement suffire à six cent vingt-cinq hommes pendant vingt-quatre heures.