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les monstres marins des eaux qu’ils fréquentaient ; leur nom signifie, fleur, et ils le justifiaient par leurs couleurs chatoyantes, leurs nuances comprises dans la gamme du rouge depuis la pâleur du rose jusqu’à l’éclat du rubis, et les fugitifs reflets qui moiraient leur nageoire dorsale. Mes yeux ne pouvaient se détacher de ces merveilles de la mer, quand ils furent frappés soudain par une apparition inattendue.

Au milieu des eaux, un homme apparut, un plongeur portant à sa ceinture une bourse de cuir. Ce n’était pas un corps abandonné aux flots. C’était un homme vivant qui nageait d’une main vigoureuse, disparaissant parfois pour aller respirer à la surface et replongeant aussitôt.

Je me retournai vers le capitaine Nemo, et d’une voix émue :

« Un homme ! un naufragé ! m’écriai-je. Il faut le sauver à tout prix ! »

Le capitaine ne me répondit pas et vint s’appuyer à la vitre.

L’homme s’était rapproché, et, la face collée au panneau, il nous regardait.

À ma profonde stupéfaction, le capitaine Nemo lui fit un signe. Le plongeur lui répondit de la main, remonta immédiatement vers la surface de la mer, et ne reparut plus.

« Ne vous inquiétez pas, me dit le capitaine. C’est Nicolas, du cap Matapan, surnommé le Pesce. Il est bien connu dans toutes les Cyclades. Un hardi plongeur ! L’eau est son élément, et il y vit plus que sur terre, allant sans cesse d’une île à l’autre et jusqu’à la Crète.

— Vous le connaissez, capitaine ?

— Pourquoi pas, monsieur Aronnax ? »

Cela dit, le capitaine Nemo se dirigea vers un meuble placé près du panneau gauche du salon. Près de ce meuble, je vis un coffre cerclé de fer, dont le couvercle portait sur une plaque de cuivre le chiffre du Nautilus, avec sa devise Mobilis in mobile.

En ce moment, le capitaine, sans se préoccuper de ma présence, ouvrit le meuble, sorte de coffre-fort qui renfermait un grand nombre de lingots.

C’étaient des lingots d’or. D’où venait ce précieux métal qui représentait une somme énorme ? Où le capitaine recueillait-il cet or, et qu’allait-il faire de celui-ci ?

Je ne prononçai pas un mot. Je regardai. Le capitaine Nemo prit un à un ces lingots et les rangea méthodiquement dans le coffre qu’il remplit entièrement. J’estimai qu’il contenait alors plus de mille kilogrammes d’or, c’est-à-dire près de cinq millions de francs.

Le coffre fut solidement fermé, et le capitaine écrivit sur son couvercle une adresse en caractères qui devaient appartenir au grec moderne.

Ceci fait, le capitaine Nemo pressa un bouton dont le fil correspondait