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pérées, et sous leur ombre humide, se massaient de véritables buissons à fleurs vivantes, des haies de zoophytes, sur lesquels s’épanouissaient des méandrines zébrées de sillons tortueux, des cariophylles jaunâtres à tentacules diaphanes, des touffes gazonnantes de zoanthaires, — et pour compléter l’illusion, — les poissons-mouches volaient de branches en branches, comme un essaim de colibris, tandis que de jaunes lépisacanthes, à la mâchoire hérissée, aux écailles aiguës, des dactyloptères et des monocentres, se levaient sous nos pas, semblables à une troupe de bécassines.

Vers une heure, le capitaine Nemo donna le signal de la halte. J’en fus assez satisfait pour mon compte, et nous nous étendîmes sous un berceau d’alariées, dont les longues lanières amincies se dressaient comme des flèches.

Cet instant de repos me parut délicieux. Il ne nous manquait que le charme de la conversation. Mais impossible de parler, impossible de répondre. J’approchai seulement ma grosse tête de cuivre de la tête de Conseil. Je vis les yeux de ce brave garçon briller de contentement, et en signe de satisfaction, il s’agita dans sa carapace de l’air le plus comique du monde.

Après quatre heures de cette promenade, je fus très étonné de ne pas ressentir un violent besoin de manger. À quoi tenait cette disposition de l’estomac, je ne saurais le dire. Mais, en revanche, j’éprouvais une insurmontable envie de dormir, ainsi qu’il arrive à tous les plongeurs. Aussi mes yeux se fermèrent-ils bientôt derrière leur épaisse vitre, et je tombai dans une invincible somnolence, que le mouvement de la marche avait seul pu combattre jusqu’alors. Le capitaine Nemo et son robuste compagnon, étendus dans ce limpide cristal, nous donnaient l’exemple du sommeil.

Combien de temps restai-je ainsi plongé dans cet assoupissement, je ne pus l’évaluer ; mais lorsque je me réveillai, il me sembla que le soleil s’abaissait vers l’horizon. Le capitaine Nemo s’était déjà relevé, et je commençais à me détirer les membres, quand une apparition inattendue me remit brusquement sur les pieds.

À quelques pas, une monstrueuse araignée de mer, haute d’un mètre, me regardait de ses yeux louches, prête à s’élancer sur moi. Quoique mon habit de scaphandre fût assez épais pour me défendre contre les morsures de cet animal, je ne pus retenir un mouvement d’horreur. Conseil et le matelot du Nautilus s’éveillèrent en ce moment. Le capitaine Nemo montra à son compagnon le hideux crustacé, qu’un coup de crosse abattit aussitôt, et je vis les horribles pattes du monstre se tordre dans des convulsions terribles.

Cette rencontre me fit penser que d’autres animaux, plus redoutables,