Page:Verne - Une ville flottante, 1872.djvu/385

Cette page a été validée par deux contributeurs.
197
de trois russes et de trois anglais

et j’espère bien vous faire chez moi les honneurs de mon observatoire de Kiew.

— Oui, mon ami, répondit William Emery, oui, je vous accompagnerai en Europe, et je ne retournerai pas en Afrique sans avoir un peu passé par la Russie. Mais un jour, vous me rendrez visite à Cape-town, n’est-il pas vrai ? Vous viendrez vous égarer au milieu de nos belles constellations australes. Vous verrez quel riche firmament, et quelle joie c’est d’y puiser, non pas à pleines mains, mais à pleins regards ! Tenez, si vous le voulez, nous dédoublerons ensemble l’étoile θ du Centaure ! Je vous promets de ne point commencer sans vous.

— C’est dit, William ?

— C’est dit, Michel. Je vous garde θ, et, en revanche, ajouta William Emery, j’irai réduire à Kiew une de vos nébuleuses ! »

Braves jeunes gens ! Ne semblait-il pas que le ciel leur appartînt ! Et, au fait, à qui appartiendrait-il, sinon à ces perspicaces savants qui l’ont jaugé jusque dans ses profondeurs !

« Mais avant tout, reprit Michel Zorn, il faut que cette guerre soit terminée.

— Elle le sera, Michel. Des batailles à coups de canon, cela dure moins longtemps que des disputes à coups d’étoiles ! La Russie et l’Angleterre seront réconciliées avant le colonel Everest et Mathieu Strux.

— Vous ne croyez donc pas à leur sincère réconciliation, demanda Michel Zorn, après tant d’épreuves qu’ils ont subies ensemble ?

— Je ne m’y fierais pas, répondit William Emery. Songez-y donc, des rivalités de savants, et de savants illustres !

— Soyons moins illustres, alors, mon cher William, répondit Michel Zorn, et aimons-nous toujours ! »

Onze jours s’étaient passés depuis l’aventure des cynocéphales, quand la petite troupe, arrivée non loin des chutes du Zambèse, rencontra une plaine qui s’étendait sur une largeur de plusieurs milles. Le terrain convenait parfaitement à la mesure directe d’une base. Sur la lisière s’élevait un village comprenant seulement quelques huttes. Sa population, — quelques dizaines d’indigènes au plus, — composée d’habitants inoffensifs, fit bon accueil aux Européens. Ce fut heureux pour la troupe du colonel Everest, car sans chariots, sans tentes, presque sans matériel de campement, il lui eût été difficile de s’installer d’une manière suffisante. Or, la mesure de la base pouvait durer un mois, et ce mois, on ne pouvait le passer en plein air, avec le feuillage des arbres pour tout abri.

La Commission scientifique s’installa donc dans les huttes, qui furent préalablement appropriées à l’usage des nouveaux occupants. Les savants