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de trois russes et de trois anglais

tentatives des Makololos. La journée du 27 parut bien longue à la petite garnison. Si les circonstances avaient favorisé le foreloper, parti depuis cinq jours, il était possible que ses compagnons et lui fussent arrivés, ce jour même, au Volquiria. Donc, pendant la nuit suivante, il fallait observer l’horizon avec un soin extrême, car la lumière du fanal pourrait y apparaître. Le colonel Everest et Mathieu Strux avaient déjà braqué l’instrument sur le pic, de telle façon que celui-ci fût encadré dans le champ de l’objectif. Cette précaution simplifiait des recherches qui, sans point de repère, devenaient très difficiles par une nuit obscure. Si la lumière se faisait au sommet du Volquiria, aussitôt elle serait vue, et la détermination de l’angle serait acquise.

Pendant cette journée, sir John battit vainement les buissons et les grandes herbes. Il ne put en dépister aucun animal comestible ou à peu près. Les oiseaux eux-mêmes, troublés dans leur retraite, avaient été chercher au milieu des taillis de la rive de plus sûrs abris. L’honorable chasseur se dépitait, car alors il ne chassait pas pour son plaisir, il travaillait pro domo sua, si toutefois ce vocable latin peut s’appliquer à l’estomac d’un Anglais. Sir John, doué d’un appétit robuste, qu’un tiers de ration ne pouvait satisfaire, souffrait véritablement de la faim. Ses collègues supportaient plus facilement cette abstinence, soit que leur estomac fût moins impérieux, soit qu’à l’exemple de Nicolas Palander ils pussent remplacer le beefsteak traditionnel par une ou deux équations du deuxième degré. Quant aux matelots et au bushman, ils avaient faim tout comme l’honorable sir John. Or, la mince réserve de vivres touchait à son terme. Encore un jour, tout aliment aurait été consommé, et si l’expédition du foreloper était retardée dans sa marche, la garnison du fortin serait promptement aux abois.

Toute la nuit du 27 au 28 février se passa en observations. L’obscurité, calme et pure, favorisait singulièrement les astronomes. Mais l’horizon demeura perdu dans l’ombre épaisse. Pas une lueur n’en détacha le profil. Rien n’apparut dans l’objectif de la lunette.

Toutefois, le minimum du délai attribué à l’expédition de Michel Zorn et de William Emery était à peine atteint. Leurs collègues ne pouvaient donc que s’armer de patience et attendre.

Pendant la journée du 28 février, la petite garnison du Scorzef mangea son dernier morceau de viande et de biscuit. Mais l’espoir de ces courageux savants ne faiblissait pas encore, et dussent-ils se repaître d’herbes, ils étaient résolus à ne point abandonner la place avant l’achèvement de leur travail.

La nuit du 28 février au 1er mars ne donna encore aucun résultat. Une ou deux fois, les observateurs crurent apercevoir la lueur du fanal. Mais,