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aventures

Vingt minutes après, on entendait distinctement le cri de guerre des Makololos. Quel était leur nombre, on ne pouvait encore l’estimer. Ces bandits indigènes faisaient évidemment l’assaut du Scorzef, dont le sommet se couronnait de feux. On entrevoyait des grappes d’hommes s’élevant sur ses flancs.

Bientôt, le colonel Everest et ses compagnons furent sur les derrières de la troupe assiégeante. Ils abandonnèrent alors leurs montures exténuées, et poussant un hurrah formidable, que les assiégés durent entendre, ils tirèrent leurs premiers coups de feu sur la masse des indigènes. En entendant les détonations nourries de ces armes à tir rapide, les Makololos crurent qu’ils étaient assaillis par une troupe nombreuse. Cette attaque soudaine les surprit, et ils reculèrent avant d’avoir fait usage de leurs flèches et de leurs assagaies.

Sans perdre un instant, le colonel Everest, sir John Murray, William Emery, le bushman, les marins, chargeant et tirant sans cesse, s’élancèrent au milieu du groupe des pillards. Une quinzaine de cadavres jonchaient déjà le sol.

Les Makololos se séparèrent. Les Européens se précipitèrent dans la trouée, et, renversant les indigènes les plus rapprochés, ils s’élevèrent à reculons sur les pentes de la montagne.

En dix minutes, ils eurent atteint le sommet perdu dans l’ombre, car les assiégés avaient suspendu leur feu, dans la crainte de frapper ceux qui venaient si opinément à leur secours.

Et ces assiégés, c’étaient les Russes ! Ils étaient tous là, Mathieu Strux, Nicolas Palander, Michel Zorn, leurs cinq matelots. Mais des indigènes qui formaient autrefois leur caravane, il ne restait plus que le dévoué foreloper. Ces misérables Bochjesmen les avaient, eux aussi, abandonnés au moment du danger.

Mathieu Strux, à l’instant où le colonel Everest apparut, s’élança du haut d’un petit mur qui couronnait le sommet du Scorzef.

« Vous, messieurs les Anglais ! s’écria l’astronome de Poulkowa.

— Nous-mêmes, messieurs les Russes, répondit le colonel d’une voix grave. Mais ici, il n’y a pas plus ni Russes, ni Anglais ! Il n’y a que des Européens unis pour se défendre ! »