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aventures

lui prêter son chien, animal fin et intelligent, habile fureteur, très apprécié du bushman. Ce chien, ayant flairé un chapeau appartenant à Nicolas Palander, s’élança dans la direction du nord-est, tandis que son maître l’excitait par un sifflement particulier. La petite troupe suivit aussitôt l’animal et disparut bientôt sur la lisière d’un épais taillis.

Pendant toute cette journée, le colonel Everest et ses compagnons suivirent les allées et venues du chien. Cette bête sagace avait parfaitement compris ce qu’on lui demandait ; mais les traces du savant égaré lui manquaient encore, et aucune piste ne pouvait être suivie ni régulièrement ni sûrement. Le chien, cherchant à reconnaître les émanations du sol, allait en avant, mais revenait bientôt sans être tombé sur une trace certaine.

De leur côté, les savants ne négligeaient aucun moyen de signaler leur présence dans cette région déserte. Ils appelaient, ils tiraient des coups de fusil, espérant se faire entendre de Nicolas Palander, si distrait ou absorbé qu’il fût. Les environs du campement avaient été ainsi parcourus dans un rayon de cinq milles, quand le soir arriva et suspendit les recherches. On devait les reprendre le lendemain, dès le petit jour.

Pendant la nuit, les Européens s’abritèrent sous un bouquet d’arbres, devant un feu de bois que le bushman entretint soigneusement. Quelques hurlements de bêtes fauves furent entendus. La présence d’animaux féroces n’était pas faite pour les rassurer à l’endroit de Nicolas Palander. Ce malheureux, exténué, affamé, transi par cette nuit froide, exposé aux attaques des hyènes qui abondent dans toute cette partie de l’Afrique, pouvait-on conserver quelque espoir de le sauver ! C’était la préoccupation de tous. Les collègues de l’infortuné passèrent ainsi de longues heures à discuter, à former des projets, à chercher des moyens d’arriver jusqu’à lui. Les Anglais montrèrent, dans cette circonstance, un dévouement dont Mathieu Strux lui-même dut être touché, quoiqu’il en eût. Mort ou vif, il fut décidé que l’on retrouverait le savant russe, dussent les opérations trigonométriques être indéfiniment ajournées.

Enfin, après une nuit dont les heures valaient des siècles, le jour parut. Les chevaux furent harnachés rapidement, et les recherches reprises dans un rayon plus étendu. Le chien avait pris les devants, et la petite troupe se maintenait sur ses traces.

En s’avançant vers le nord-est, le colonel Everest et ses compagnons parcoururent une région fort humide. Les cours d’eau, sans importance, il est vrai, se multipliaient. On les passait aisément à gué, en se garant des crocodiles, dont sir John Murray vit alors les premiers échantillons. C’étaient des reptiles de grande taille, dont quelques-uns mesuraient