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de trois russes et de trois anglais

lume, des toiles à tentes et tous leurs ustensiles qui semblaient sortir d’un bazar de voyage, un canot en gutta-percha soigneusement replié, qui ne tenait pas plus de place qu’une couverture bien sanglée, quelques effets de campement, etc, etc., enfin une sorte de mitrailleuse en éventail, engin peu perfectionné encore, mais qui devait rendre fort redoutable à des ennemis quels qu’ils fussent l’approche de l’embarcation.

Tous ces objets furent déposés sur la berge. La machine, de la force de huit chevaux de deux cent-dix kilogrammes, était divisée en trois parties, la chaudière et ses bouilleurs, le mécanisme qu’un tour de clef détachait des chaudières, et l’hélice engagée sur le faux étambot. Ces parties, successivement enlevées, laissèrent libre l’intérieur de l’embarcation.

Cette chaloupe, outre l’espace réservé à la machine et aux soutes, se divisait en chambre d’avant destinée aux hommes de l’équipage, et en chambre d’arrière occupée par le colonel Everest et ses compagnons. En un clin d’œil, les cloisons disparurent, les coffres et les couchettes furent enlevés. L’embarcation se trouva réduite alors à une simple coque.

Cette coque, longue de trente-cinq pieds, se composait de trois parties, comme celle du Mâ-Robert, chaloupe à vapeur qui servit au docteur Livingstone pendant son premier voyage au Zambèse. Elle était faite d’acier galvanisé, à la fois léger et résistant. Des boulons, ajustant les plaques sur une membrure de même métal, assuraient leur adhérence et l’étanchement de la barque.

William Emery fut véritablement émerveillé de la simplicité du travail et de la rapidité avec laquelle il s’accomplit. Le chariot n’était pas arrivé depuis une heure, sous la conduite du chasseur et de ses deux bochesjmen, que l’embarcation était prête à être chargée.

Ce chariot, véhicule un peu primitif, reposait sur quatre roues massives, formant deux trains séparés l’un de l’autre par un intervalle de vingt pieds. C’était un véritable « car » américain, par sa longueur. Cette lourde machine, criarde aux essieux et dont le heurtequin dépassait les roues d’un bon pied, était traînée par six buffles domestiques, accouplés deux à deux, et très sensibles au long aiguillon de leur conducteur. Il ne fallait pas moins que de tels ruminants pour enlever le véhicule, quand il se mouvait à pleine charge. Malgré l’adresse du « leader », il devait plus d’une fois rester embourbé dans les fondrières.

L’équipage du Queen and Tzar s’occupa de charger le chariot, de manière à bien l’équilibrer en toutes ses parties. On connaît l’adresse proverbiale des marins. L’arrimage du véhicule ne fut qu’un jeu pour ces braves gens. Les grosses pièces de la chaloupe reposèrent directement au-dessus des essieux au point le plus solide du chariot. Entre elles, les caisses,