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qu’ici, comme partout, les préparatifs étaient loin d’être terminés.

Et maintenant, pourquoi ces retards, pourquoi tant d’aménagements nouveaux à bord du Great-Eastern, navire relativement neuf ? C’est ce qu’il faut dire en quelques mots.

Après une vingtaine de traversées entre l’Angleterre et l’Amérique, et dont l’une fut marquée par des accidents très-graves, l’exploitation du Great-Eastern avait été momentanément abandonnée. Cet immense bateau, disposé pour le transport des voyageurs, ne semblait plus bon à rien et se voyait mis au rebut par la race défiante des passagers d’outre-mer. Lorsque les premières tentatives pour poser le câble sur son plateau télégraphique eurent échoué, — insuccès dû en partie à l’insuffisance des navires qui le transportaient, — les ingénieurs songèrent au Great-Eastern. Lui seul pouvait emmagasiner à son bord ces trois mille quatre cents kilomètres de fil métallique, pesant quatre mille cinq cents tonnes. Lui seul pouvait, grâce à sa parfaite indifférence à la mer, dérouler et immerger cet immense grelin. Mais pour arrimer ce câble dans les flancs du navire, il fallut des aménagements particuliers. On fit sauter deux chaudières sur six et une cheminée sur trois, appartenant à la machine de l’hélice. À leur place, de vastes récipients furent disposés pour y loger le câble qu’une nappe d’eau préservait des altérations de l’air. Le fil passait ainsi de ces lacs flottants à la mer sans subir le contact des couches atmosphériques.

L’opération de la pose du câble s’accomplit avec succès, et, le résultat obtenu, le Great-Eastern fut relégué de nouveau dans son coûteux abandon. Survint alors l’Exposition universelle de 1867. Une Compagnie française, dite Société des Affréteurs du Great-Eastern, à responsabilité limitée, se fonda au capital de deux millions de francs, dans l’intention d’employer le vaste navire au transport des visiteurs transocéaniens. De là nécessité de réapproprier le steam-ship à cette destination, nécessité de combler les récipients et de rétablir les chaudières, nécessité d’agrandir des salons que devaient habiter plusieurs milliers de voyageurs et de construire ces roufles contenant des salles à manger supplémentaires ; enfin, aménagement de trois mille lits dans les flancs de la gigantesque coque.

Le Great-Eastern fut affrété au prix de vingt-cinq mille francs par mois. Deux contrats furent passés avec G. Forrester & Co., de Liverpool  : le premier, au prix de cinq cent trente-huit mille sept cent cinquante francs, pour l’établissement des nouvelles chaudières de l’hélice ; le second, au prix de six cent soixante-deux mille cinq cents francs, pour réparations générales et installations du navire.

Avant d’entreprendre ces derniers travaux, le Board of Trade exigea que le navire fût passé sur le gril, afin que sa coque pût être rigoureusement visitée. Cette coûteuse opération faite, une longue déchirure du