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un drame en livonie.

— Il tient à moi comme mes oreilles à ma tête ! riposta le garçon de banque en riant d’un franc rire.

— En route, dit le brigadier à son agent, et boutonnons-nous jusqu’au menton, ou la rafale nous pénétrera jusqu’aux os ! — Bonsoir, Poch.

— Bonsoir, monsieur Eck. »

Les deux policiers ouvrirent la porte, que Kroff referma avec la barre intérieure d’abord, puis du double tour d’une grosse clef qu’il retira ensuite.

À cette heure, il n’était plus à prévoir que personne vînt demander l’hospitalité d’une nuit à la Croix-Rompue. C’était déjà rare que deux voyageurs y eussent réclamé deux chambres jusqu’au lendemain, et il avait fallu cet accident de la malle-poste pour que le cabaretier ne fût pas seul, comme d’habitude, en ce kabak isolé.

Cependant Poch avait achevé son repas, et de grand appétit. Du solide et du liquide, il ne fallait pas moins pour réparer ses forces.

Le lit achèverait ce que la table avait si bien commencé.

Kroff, avant de se retirer dans sa chambre, attendait que son hôte eût gagné la sienne. Il se tenait près du poêle, dont la fumée, sous les coups de la tourmente, envahissait parfois la salle au milieu d’une buée chaude. Kroff s’ingéniait alors à la chasser au moyen d’une serviette qu’il agitait et dont les plis, en se détendant, produisaient des claquements de fouet.

La chandelle de suif, posée sur la table, vacillait, faisait danser l’ombre des objets à travers les nappes de lumière.

Au-dehors se produisaient de tels vacarmes de vent contre les volets des fenêtres, qu’on eût dit que quelqu’un y frappait.

« Vous n’entendez pas ?… observa même Poch, à un moment où la porte subissait un tel heurt que l’on pouvait s’y tromper.