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slave pour slave.

moulin, soit avant, soit après le départ des gens qui s’entretenaient avec le meunier.

C’étaient trois agents de la police, un brigadier et deux de ses acolytes.

À cette époque, la russification de l’administration des provinces Baltiques commençait seulement à écarter les éléments germaniques au profit des éléments slaves. Nombre de policiers étaient encore allemands d’origine. Parmi eux se distinguait le brigadier Eck, très enclin dans ses fonctions à moins de sévérité envers ses concitoyens de même race qu’envers les Russes de la Livonie. Très zélé, d’ailleurs, très perspicace, très bien noté de ses chefs, il mettait un véritable acharnement à la poursuite des affaires criminelles confiées à ses soins, s’enorgueillissant d’un succès, ne pouvant accepter une défaite. Alors engagé dans une importante recherche, il y déployait d’autant plus d’énergie et de dextérité qu’il s’agissait de reprendre un évadé de Sibérie, livonien moscovite d’origine…

Pendant le sommeil du fugitif, le meunier était venu au moulin, avec la pensée de consacrer toute cette journée au travail. Vers neuf heures, la brise lui avait paru favorable, et, si les ailes eussent été mises en mouvement, le dormeur se fût réveillé au premier bruit. Mais, sous l’influence d’une pluie fine, le vent ne fraîchit pas.

Or, le meunier se tenait sur le pas de sa porte, lorsque Eck et ses agents l’aperçurent et entrèrent dans le moulin afin de lui demander quelques renseignements.

En cet instant, Eck disait :

« Tu n’as pas connaissance qu’un homme de trente à trente-cinq ans environ se soit montré hier à la pointe du lac ?…

— Aucunement, répondit le meunier. Il ne vient pas deux personnes par jour à cette époque dans notre hameau… S’agit-il d’un étranger ?…