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un drame en livonie.

— Jamais, répondit Ilka, jamais la fille d’un assassin ne sera la femme de Wladimir Yanof. »

Cette scène les avait brisés tous les deux. Ilka regagna sa chambre. Wladimir, arrivé au paroxysme du désespoir, sortit de la maison, erra au hasard dans les rues, à travers la campagne, et se réfugia enfin chez le docteur Hamine.

Le docteur comprit bien qu’une explication avait eu lieu entre les deux fiancés, séparés maintenant par un infranchissable abîme, — celui que creusent les conventions sociales.

Wladimir raconta cette scène, répétant tout ce qu’il avait fait de prières, de supplications pour changer la résolution d’Ilka.

« Hélas ! mon cher Wladimir, répliqua le docteur Hamine, je vous l’avais bien dit… Je connais Ilka et rien ne la fera revenir…

— Ah ! docteur, ne m’ôtez pas le peu qui me reste d’espoir !… Elle consentira…

— Jamais Wladimir… C’est une âme intraitable… Elle se sent déshonorée, et elle ne sera jamais votre femme, jamais, puisqu’elle est la fille d’un assassin…

— Et si elle ne l’était pas ? s’écria Wladimir. Si son père n’était pas l’auteur du crime ? »

Le docteur Hamine détourna la tête pour n’avoir point à répondre à cette question résolue maintenant.

Alors Wladimir, se maîtrisant, reprenant pleine et entière possession de lui-même, s’expliqua, la voix grave, empreinte d’une extraordinaire force de résolution :

« Voici simplement ce que je veux vous dire, docteur… Je considère Ilka comme étant ma femme devant Dieu… et j’attendrai…

— Quoi Wladimir ?…

— Que Dieu intervienne ! »

Des mois s’écoulèrent. La situation n’avait pas changé. L’apaisement s’était fait dans les diverses classes de la ville relative-