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coups sur coups.

le terrain électoral, et le scrutin, appelé à se prononcer pour la première fois dans des conditions nouvelles, devait fonctionner avant peu.

Et, au milieu de ce conflit dont il ne se souciait guère, que devenait Kroff ?…

Kroff ne quittait point le kabak où les agents exerçaient une surveillance sévère. Il continuait son métier. Chaque soir, ses clients, paysans ou bûcherons, se réunissaient comme d’habitude dans la grande salle. Mais on voyait que cette situation ne laissait pas de l’inquiéter. Du moment qu’on laissait le professeur en liberté, il craignait d’être mis en état d’arrestation. Plus insociable que jamais, baissant les yeux devant les regards trop directement fixés sur lui, il accusait sans cesse Nicolef avec un excès, une ténacité, une colère, qui lui faisaient monter le sang au visage à faire craindre qu’il ne fût frappé de congestion.

D’ordinaire, il y a grande joie dans une maison où se font des préparatifs de mariage. Toute la famille est en fête. On laisse entrer à pleines fenêtres l’air et la gaîté. Le bonheur jaillit de toutes parts.

Il n’en était pas ainsi dans la demeure de Dimitri Nicolef. Peut-être ne pensait-il plus à cette affaire, qui avait si profondément troublé sa vie, mais ne devait-il pas tout craindre de la part d’impitoyables créanciers, les plus acharnés de ses ennemis ?…

Sept jours s’étaient écoulés depuis le dernier interrogatoire dans le cabinet de M. Kerstorf.

On était au 13 mai.

Le lendemain, l’engagement souscrit par Nicolef venait à échéance. Si, dans la matinée, il ne se présentait pas à la caisse de MM. Johausen frères avec les dix-huit mille roubles dus, il serait assigné en payement. Or, cette somme, il ne l’avait pas. Après avoir déjà payé une partie des dettes paternelles, soit