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un drame en livonie.

mais inquiet, car c’est moi, sans doute, que l’on accuse d’avoir brûlé ce billet, de l’avoir jeté dans la cheminée ?…

— C’est vous, répondit M. Kerstorf.

— Et, reprit le professeur, d’une voix plus ironique encore, comme ce billet faisait partie de la liasse que renfermait le portefeuille du garçon de banque, comme il a été volé dans ce portefeuille, après l’assassinat de Poch, nul doute que le voleur, c’est le voyageur qui occupait cette chambre, et enfin, comme elle était occupée par moi, c’est moi qui suis l’assassin…

— En peut-on douter ?… demanda M. Kerstorf, qui ne perdait pas Nicolef du regard.

— En aucune façon, monsieur le juge. Tout cela s’enchaîne !… La déduction est parfaite… Seulement, à votre argumentation voulez-vous me permettre d’opposer la mienne ?…

— Faites, monsieur Nicolef.

— C’est à quatre heures du matin que j’ai quitté l’auberge de la Croix-RompueÀ ce moment, le crime était-il commis ?… Oui, si j’en suis l’auteur, non, si je n’en suis pas l’auteur… Peu importe d’ailleurs. Eh bien ! monsieur le juge, pouvez-vous affirmer que l’assassin n’a pu, après mon départ, prendre toutes mesures et précautions pour que les soupçons dussent se porter sur le voyageur, c’est-à-dire sur moi, pénétrer dans cette chambre, y déposer le tisonnier, jeter dans l’âtre un des billets tachés de sang, après l’avoir incomplètement brûlé, puis enfin érailler le bord extérieur de la fenêtre, afin d’établir que c’était bien moi qui l’avais franchie pour aller frapper dans son lit le garçon de banque ?

— De ce que vous dites là, monsieur Nicolef, il ressort une accusation directe contre le cabaretier Kroff…

— Kroff ou tout autre !… Je n’ai pas, au surplus, à découvrir le coupable… J’ai à me défendre et je me défends ! »

M. Kerstorf ne pouvait être que très frappé de l’attitude de