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un drame en livonie.

Sans doute, la prudence aurait exigé qu’il veillât pendant cette journée, qu’il se tînt en observation, afin d’être en garde contre toute approche suspecte, qu’il fût à même de s’échapper, si les douaniers poussaient leurs recherches du côté de la hutte. Mais, rompu de fatigue, cet homme, si endurant qu’il fût, ne put résister au sommeil.

Étendu dans un coin, enveloppé de son cafetan, il s’endormit profondément, et la journée était avancée déjà lorsqu’il vint à se réveiller.

Il était alors trois heures de l’après-midi. Par bonheur, les douaniers n’avaient point quitté leur poste, s’en tenant à leur unique coup de fusil de la nuit, et très disposés à admettre qu’ils avaient fait erreur. Le fugitif ne pouvait que se féliciter d’avoir échappé à ce premier danger, au moment où il franchissait la frontière de son pays.

À peine réveillé, le besoin de dormir satisfait, il dut pourvoir au besoin de manger. Les quelques provisions que contenait sa musette suffiraient à lui assurer un repas ou deux. Mais il serait indispensable de les renouveler à la prochaine halte, ainsi que le schnaps de sa gourde, dont il épuisa les dernières gouttes.

« Des paysans ne m’ont jamais repoussé, se dit-il, et ceux de Livonie ne repousseront pas un Slave comme eux ! »

Il avait raison, mais il ne fallait pas que la mauvaise fortune le conduisît chez quelque cabaretier d’origine germanique, comme il en est dans ces provinces. Ceux-là ne feraient point à un Russe l’accueil que celui-ci avait trouvé chez les paysans de l’Empire moscovite.

Au surplus, le fugitif n’en était pas à implorer la charité sur sa route. Il lui restait encore un certain nombre de roubles qui lui permettraient de subvenir à ses besoins jusqu’au terme du voyage, en Livonie du moins. Il est vrai, pour s’embarquer, comment ferait-il ?… Il aviserait plus tard. L’important, l’essen-