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UN PUNCH OFFERT AU ROI DE KAZONNDÉ

Quelques instants après, Moini Loungga et son fonctionnaire avaient succombé, mais ils brûlaient encore. Bientôt, à la place où ils étaient tombés, on ne trouvait plus que quelques charbons légers, un ou deux morceaux de colonne vertébrale, des doigts, des orteils que le feu ne consume pas dans les cas de combustion spontanée, mais qu’il recouvre d’une suie infecte et pénétrante.

C’était tout ce qui restait du roi de Kazonndé et de son ministre.


CHAPITRE XII

un enterrement royal.


Le lendemain, 29 mai, la ville de Kazonndé présentait un aspect inaccoutumé. Les indigènes, terrifiés, se tenaient enfermés dans leurs huttes. Ils n’avaient jamais vu ni un roi qui se disait d’essence divine, ni un simple ministre mourir de cette horrible mort. Ils n’étaient pas sans avoir brûlé déjà quelques-uns de leurs semblables, et les plus vieux ne pouvaient oublier certains préparatifs culinaires relatifs au cannibalisme. Ils savaient donc combien l’incinération d’un corps humain s’opère difficilement, et voilà que leur roi et son ministre avaient brûlé comme tout seuls ! Cela leur paraissait et devait, en effet, leur paraître inexplicable !

José-Antonio Alvez se tenait coi dans sa maison. Il pouvait craindre qu’on ne le rendît responsable de l’accident. Negoro lui avait fait comprendre ce qui s’était passé, en l’avertissant de prendre garde à lui-même. Mettre la mort de Moini Loungga à son compte, eût été une mauvaise affaire dont il ne se fût peut-être pas tiré sans dommage.

Mais Negoro eut une bonne idée. Par ses soins, Alvez fit répandre le bruit que cette mort du souverain de Kazonndé était surnaturelle, que le grand Manitou ne la réservait qu’à ses élus, et les indigènes, si enclins à la superstition, ne répugnèrent point à accepter cette bourde. Le feu qui sortait des corps du roi et de son ministre devint un feu sacré. Il n’y avait plus qu’à honorer Moini Loungga par des funérailles dignes d’un homme élevé au rang des dieux.

Ces funérailles, avec tout le cérémonial qu’elles comportent chez les peu-