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un billet de loterie.


– Oui, il le faut ! répondit Joël. Avec du sang-froid, nous arriverons jusqu’à lui ! »

Joël poussa alors un long cri. Il fut entendu du voyageur, dont la tête se retourna de son côté. Puis, pendant quelques instants, Joël chercha à reconnaître ce qu’il y aurait de plus prompt et de plus sûr à faire pour le tirer de ce mauvais pas.

« Hulda, dit-il, tu n’as pas peur ?

– Non, frère !

– Tu connais bien la Maristien ?

– J’y suis déjà passée plusieurs fois !

– Eh bien, va par le haut de la croupe en te rapprochant du voyageur d’aussi près que possible ! Ensuite, laisse-toi glisser doucement jusqu’à lui, et prends-le par la main de manière à bien le tenir. Mais qu’il n’essaie pas encore de se relever ! Le vertige le saisirait, il t’entraînerait avec lui, et vous seriez perdus !

– Et toi, Joël ?

– Moi, pendant que tu iras par le haut, je ramperai par le bas le long de l’arête, du côté du Maan. Je serai là quand tu arriveras, et, si vous glissiez, peut-être pourrais-je vous retenir tous deux ! »

Puis, d’une voix retentissante, profitant d’une nouvelle accalmie du Rjukanfos, Joël cria :

« Ne bougez pas, monsieur !… Attendez !… Nous allons tâcher d’aller à vous ! »

Hulda avait déjà disparu derrière les hautes touffes du talus, afin de redescendre latéralement sur l’autre croupe de la Maristien.

Joël ne tarda pas à voir la brave fille qui apparaissait au tournant des derniers arbres.

De son côté, au péril de sa vie, il se mit à ramper lentement le long de la portion déclive de ce dos arrondi qui borde l’encaissement du Rjukanfos. Quel sang-froid surprenant, quelle sûreté du pied et de la main ne fallait-il pas pour côtoyer ce gouffre, dont les parois s’humectaient des embruns de la cataracte !

Parallèlement à lui, mais à une centaine de pieds au-dessus, Hulda s’avan-