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le numéro 9672.


– Vous ne devez rien, monsieur ! » dit alors dame Hansen d’une voix si troublée qu’on l’entendit à peine.

Elle venait d’ouvrir le livre, elle y avait lu le nom inscrit, et elle répéta, en reprenant la note, qu’elle déchira :

« Vous ne devez rien !

– C’est mon avis ! » répondit le voyageur.

Et, sans donner plus de bonsoir en sortant qu’il n’avait donné de bonjour en arrivant, il monta dans sa kariol, pendant que le gamin sautait derrière lui sur la planchette. Quelques instants après, il avait disparu au tournant de la route.

Lorsque Hulda eut ouvert le livre, elle n’y trouva que ce nom :

« Sandgoïst, de Drammen. »




VII

C’était dans l’après-midi, le lendemain, que Joël devait rentrer à Dal, après avoir laissé sur la route qui conduit au Hardanger le touriste auquel il servait de guide.

Hulda, sachant que son frère allait revenir en suivant les plateaux du Gousta, par la rive gauche du Maan, était venue l’attendre au passage de l’impétueuse rivière. Elle s’assit près du petit appontement qui sert d’embarcadère au bac. Là, elle se perdit dans ses réflexions. Aux vives inquiétudes que lui causait le retard du Viken se joignait maintenant une anxiété très grande. Cette anxiété avait pour cause la visite de ce Sandgoïst et l’attitude de dame Hansen devant lui. Pourquoi, dès qu’elle avait appris son nom, avait-elle déchiré la note, refusé de recevoir ce qui lui était dû ? Il y avait là quelque secret – grave sans doute.

Hulda fut enfin tirée de ses réflexions par l’arrivée de Joël. Elle l’aperçut qui dévalait les premières assises de la montagne. Tantôt il apparaissait au milieu des étroites clairières, entre les arbres abattus ou brûlés par places.