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seconde patrie.

Au début, elle n’avait pas eu la pensée de tenir compte du temps, ni les premiers jours ni les premières semaines. Néanmoins, en se remémorant certains faits, en rapprochant certaines dates, elle put établir par un calcul assez approximatif que depuis la perte de la Dorcas s’était écoulé deux ans et demi. Telle était dans sa pensée la durée de son séjour, et elle ne se trompait pas.

Pendant tant de semaines, les unes de la saison pluvieuse, les autres de la saison chaude, pas un jour ne se passa sans que la jeune fille interrogeât l’horizon. Jamais une voile ne se détacha sur le fond du ciel ! Du plus haut point de l’île, par ciel clair, il lui sembla pourtant deux ou trois fois apercevoir une terre en direction de l’est… Mais cette distance, comment la franchir ?… Cette terre, quelle était-elle ?…

À cette latitude de la zone intertropicale, si le froid n’était pas redoutable, Jenny eut beaucoup à souffrir de la saison pluvieuse. Réfugiée alors au fond de la grotte, d’où elle ne pouvait sortir ni pour chasser, ni pour pêcher, il lui fallait pourvoir à sa nourriture. Heureusement, rien qu’avec les œufs, très abondants entre les rochers, les coquillages entassés au pied de la grotte, les fruits conservés pour cette période, son existence fut assurée.

Bref, plus de deux ans s’étaient écoulés lorsque l’idée lui vint, — une inspiration d’en-haut, — d’attacher à la patte d’un albatros dont