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dant qu’il exécutait ces mouvements divers, il avait les yeux fermés. Il les ouvrit enfin.

Quel cri ! Et comme il se retira vite ! Et de combien la tête lui rentra dans les épaules !

Au fond de l’abîme, il avait vu l’immense Océan. Ses cheveux se seraient dressés sur son front, s’ils n’eussent été crépus.

« La mer !… la mer !… » s’écria-t-il.

Et Frycollin fût tombé sur la plate-forme, si le maître-coq n’eût ouvert les bras pour le recevoir.

Ce maître-coq était un Français, et peut-être un Gascon, bien qu’il se nommât François Tapage. S’il n’était pas Gascon, il avait dû humer les brises de la Garonne pendant son enfance. Comment ce François Tapage se trouvait-il au service de l’ingénieur ? Par quelle suite de hasards faisait-il partie du personnel de l’Albatros ? on ne sait guère. En tout cas, ce narquois parlait l’anglais comme un Yankee.

« Eh ! droit donc, droit ! s’écria-t-il en redressant le nègre d’un vigoureux coup dans les reins.

― Master Tapage !… répondit le pauvre diable, en jetant des regards désespérés vers les hélices.

― S’il te plaît, Frycollin !

― Est-ce que ça casse quelquefois ?

― Non ! mais ça finira par casser.

― Pourquoi ?… pourquoi ?…

― Parce que tout lasse, tout passe, tout casse, comme on dit dans mon pays.

― Et la mer qui est dessous !…

― En cas de chute, mieux vaut la mer.

― Mais on se noie !…

― On se noie, mais on ne s’é-cra-bou-ille pas ! » répondit François Tapage, en scandant chaque syllabe de sa phrase.

Un instant après, par un mouvement de reptation, Frycollin s’était glissé au fond de sa cabine.