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répondit en agitant l’étamine aux trente-sept étoiles de l’Union Américaine.

En vain les deux prisonniers voulurent-ils profiter de l’occasion qui leur était offerte de faire connaître ce qu’ils étaient devenus. En vain le président du Weldon-Institute cria-t-il d’une voix forte :

« Je suis Uncle Prudent de Philadelphie ! »

Et le secrétaire :

« Je suis Phil Evans, son collègue ! »

Leurs cris se perdirent dans les milliers de hurrahs dont les voyageurs saluaient leur passage.

Cependant, trois ou quatre des gens de l’aéronef avaient paru sur la plate-forme. Puis l’un d’eux, comme font les marins qui dépassent un navire moins rapide que le leur, tendit au train un bout de corde ― façon ironique de lui offrir une remorque.

L’Albatros reprit aussitôt sa marche habituelle, et, en une demi-heure, il eut laissé en arrière cet express, dont la dernière vapeur ne tarda pas à disparaître.

Vers une heure après midi, apparut un vaste disque qui renvoyait les rayons solaires, ainsi que l’eût fait un immense réflecteur.

« Ce doit être la capitale des Mormons, Salt-Lake-City ! dit Uncle Prudent.

C’était, en effet, la cité du Grand-Lac-Salé, et, ce disque, c’était le toit rond du Tabernacle, où dix mille Saints peuvent tenir à l’aise. Comme un miroir convexe, il dispersait les rayons du soleil en toutes les directions.

Là s’étendait la grande cité, au pied des monts Wasatsh revêtus de cèdres et de sapins jusqu’à mi-flanc, sur la rive de ce Jourdain qui déverse les eaux de l’Utah dans le Great-Salt-Lake. Sous l’aéronef se développait le damier que figurent la plupart des villes américaines, ― damier dont on peut dire qu’il a « plus de dames que de cases, » puisque la polygamie est si en faveur chez les Mormons. Tout autour, un pays bien aménagé, bien cultivé, riche en textiles, dans lequel les troupeaux de moutons se comptent par milliers.

Mais cet ensemble s’évanouit comme une ombre, et l’Albatros prit vers le