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Nebraska, ― Omaha-City, véritable tête de ligne de ce chemin de fer du Pacifique, longue traînée de rails de quinze cents lieues, tracée entre New-York et San-Francisco. Un moment, on put voir les eaux jaunâtres du Missouri, puis la ville, aux maisons de bois et de briques, posée au centre de ce riche bassin, comme une boucle à la ceinture de fer qui serre l’Amérique du Nord à sa taille. Sans doute aussi, pendant que les passagers de l’aéronef observaient tous ces détails, les habitants d’Omaha devaient apercevoir l’étrange appareil. Mais leur étonnement à le voir planer dans les airs ne pouvait être plus grand que celui du président et du secrétaire du Weldon-Institute de se trouver à son bord.

En tout cas, c’était là un fait que les journaux de l’Union allaient commenter. Ce serait l’explication de l’étonnant phénomène dont le monde entier s’occupait et se préoccupait depuis quelque temps.

Une heure après, l’Albatros avait dépassé Omaha. Il fut alors constant qu’il se relevait vers l’est, en s’écartant de la Platte-River dont la vallée est suivie par le Pacifique-railway à travers la Prairie. Cela n’était pas pour satisfaire Uncle Prudent et Phil Evans.

« C’est donc sérieux, cet absurde projet de nous emmener aux antipodes ? dit l’un.

― Et malgré nous ? répondit l’autre. Ah ! que ce Robur y prenne garde ! Je ne suis pas homme à le laisser faire !…

― Ni moi ! répliqua Phil Evans. Mais, croyez-moi, Uncle Prudent, tâchez de vous modérer…

― Me modérer !…

― Et gardez votre colère pour le moment où il sera opportun qu’elle éclate. »

Vers cinq heures, après avoir franchi les Montagnes-Noires, couvertes de sapins et de cèdres, l’Albatros volait au-dessus de ce territoire qu’on a justement appelé les Mauvaises-Terres du Nebraska, ― un chaos de collines couleur d’ocre, de morceaux de montagnes qu’on aurait laissées tomber sur le sol et qui se seraient brisées dans leur chute. De loin, ces blocs prenaient les formes les plus fantaisistes. Çà et là, au milieu de cet