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Cette fois, il n’était pas seul. Il n’aurait pu suffire à la besogne. Auprès de lui étaient groupés une centaine de bourreaux, habiles à trancher les têtes d’un seul coup.

Cependant l’Albatros se rapprochait peu à peu, obliquement, en modérant ses hélices suspensives et propulsives. Bientôt il sortit de la couche des nuages qui le cachaient à moins de cent mètres de terre, et, pour la première fois, il apparut.

Contrairement à ce qui se passait d’habitude, ces féroces indigènes ne virent en lui qu’un être céleste descendu tout exprès pour rendre hommage au roi Bâhadou.

Alors enthousiasme indescriptible, appels interminables, supplications bruyantes, prières générales, adressées à ce surnaturel hippogriffe qui venait sans doute prendre le corps du roi défunt afin de le transporter dans les hauteurs du ciel dahomien.

En ce moment, la première tête vola sous le sabre du minghan. Puis, d’autres prisonniers furent amenés par centaines devant leurs horribles bourreaux.

Soudain, un coup de fusil partit de l’Albatros. Le ministre de la justice tomba, la face contre terre.

« Bien visé, Tom ! dit Robur.

― Bah !… Dans le tas ! » répondit le contremaître.

Ses camarades, armés comme lui, étaient prêts à tirer au premier signal de l’ingénieur.

Mais un revirement s’était fait dans la foule. Elle avait compris. Ce monstre ailé, ce n’était point un Esprit favorable, c’était un Esprit hostile à ce bon peuple du Dahomey. Aussi, après la chute du minghan, des cris de représailles s’élevèrent-ils de toutes parts. Presque aussitôt, une fusillade éclata au-dessus de la plaine.

Ces menaces n’empêchèrent pas l’Albatros de descendre audacieusement à moins de cent cinquante pieds du sol. Uncle Prudent et Phil Evans, quels que fussent leurs sentiments envers Robur, ne pouvaient que s’associer à une pareille œuvre d’humanité.