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Pendant ce temps, Uncle Prudent et Phil Evans, qui n’étaient point gens à récriminer inutilement, venaient de prendre un parti. Il était évident que la fuite ne pouvait plus s’effectuer. Toutefois, s’il n’était pas possible de remettre le pied sur le globe terrestre, ne pouvait-on faire savoir à ses habitants ce qu’étaient devenus, depuis leur disparition, le président et le secrétaire du Weldon-Institute, par qui ils avaient été enlevés, à bord de quelle machine volante ils étaient détenus, et provoquer peut-être, ― de quelle façon, grand Dieu ! ― une audacieuse tentative de leurs amis pour les arracher aux mains de ce Robur ?

Correspondre ?… Et comment ? Suffirait-il donc d’imiter les marins en détresse qui enferment dans une bouteille un document indiquant le lieu du naufrage et le jettent à la mer ?

Mais ici, la mer, c’était l’atmosphère. La bouteille n’y surnagerait pas. À moins de tomber juste sur un passant, dont elle pourrait bien fracasser le crâne, elle risquerait de n’être jamais retrouvée.

En somme, les deux collègues n’avaient que ce moyen à leur disposition, et ils allaient sacrifier une des bouteilles du bord, quand Uncle Prudent eut une autre idée. Il prisait, on le sait, et on peut pardonner ce léger défaut à un Américain, qui pourrait faire pis. Or, en sa qualité de priseur, il possédait une tabatière, ― vide maintenant. Cette tabatière était en aluminium. Une fois lancée au dehors, si quelque honnête citoyen la trouvait, il la ramasserait ; s’il la ramassait, il la porterait à un bureau de police, et, là, on prendrait connaissance du document destiné à faire connaître la situation des deux victimes de Robur-le-Conquérant.

C’est ce qui fut fait. La note était courte, mais elle disait tout et donnait l’adresse du Weldon-Institute, avec prière de faire parvenir.

Puis, Uncle Prudent, après y avoir glissé la note, entoura la tabatière d’une épaisse bande de laine solidement ficelée, autant pour l’empêcher de s’ouvrir pendant la chute que de se briser sur le sol. Il n’y avait plus qu’à attendre une occasion favorable.

En réalité, la manœuvre la plus difficile, pendant cette prodigieuse traversée de l’Europe, c’était de sortir du roufle, de ramper sur la plate-forme,