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d’un express, marchant avec une vitesse de cent kilomètres à l’heure, ce n’est peut-être que risquer sa vie, mais, d’un rapide, lancé à raison de deux cents kilomètres, ce serait vouloir la mort.

Or, c’est précisément cette vitesse, ― le maximum dont il pût disposer, ― qui fut imprimée à l’Albatros. Elle dépassait le vol de l’hirondelle, soit cent quatre-vingts kilomètres à l’heure.

Depuis quelque temps, on a dû le remarquer, les vents du nord-est dominaient avec une persistance très favorable à la direction de l’Albatros, puisqu’il marchait dans le même sens, c’est-à-dire, d’une façon générale vers l’ouest. Mais, ces vents commençant à se calmer, il devint bientôt impossible de se tenir sur la plate-forme, sans avoir la respiration coupée par la rapidité du déplacement. Les deux collègues, à un certain moment, eussent même été jetés par-dessus le bord, s’ils n’avaient été acculés contre leur roufle par la pression de l’air.

Heureusement, à travers les hublots de sa cage, le timonier les aperçut, et une sonnerie électrique prévint les hommes, renfermés dans le poste de l’avant.

Quatre d’entre eux se glissèrent aussitôt vers l’arrière, en rampant sur la plate-forme.

Que ceux qui se sont trouvés en mer sur un navire debout au vent, pendant quelque tempête, rappellent leur souvenir, et ils comprendront ce que devait être la violence d’une pareille pression. Seulement, ici, c’était l’Albatros qui la créait par son incomparable vitesse.

En somme, il fallut ralentir la marche ― ce qui permit à Uncle Prudent et à Phil Evans de regagner leur cabine. À l’intérieur de ses roufles, ainsi que l’avait dit l’ingénieur, l’Albatros emportait avec lui une atmosphère parfaitement respirable.

Mais quelle solidité avait donc cet appareil, pour qu’il pût résister à un pareil déplacement ! C’était prodigieux. Quant aux propulseurs de l’avant et de l’arrière, on ne les voyait même plus tourner. C’était avec une infinie puissance de pénétration qu’ils se vissaient dans la couche d’air.

La dernière ville, observée du bord, avait été Astrakan, située presque à l’extrémité nord de la Caspienne.