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― Et qui dit que nous ne sommes pas surveillés aussi pendant la nuit ? répliqua Phil Evans.

― Il faut pourtant en finir ! s’écria Uncle Prudent, oui ! en finir avec cet Albatros et son maître ! »

On le voit, sous l’excitation de la colère, les deux collègues ― Uncle Prudent surtout ― pouvaient être conduits à commettre les actes les plus téméraires et peut-être les plus contraires à leur propre sûreté.

Le sentiment de leur impuissance, le dédain ironique avec lequel les traitait Robur, les réponses brutales qu’il leur faisait, tout contribuait à tendre une situation dont l’aggravation était chaque jour plus manifeste.

Ce jour même, une nouvelle scène faillit amener une altercation des plus regrettables entre Robur et les deux collègues. Frycollin ne se doutait guère qu’il allait en être le provocateur.

En se voyant au-dessus de cette mer sans limites, le poltron fut repris d’une belle épouvante. Comme un enfant, comme un nègre qu’il était, il se laissa aller à geindre, à protester, à crier, à se démener en mille contorsions et grimaces.

« Je veux m’en aller !… Je veux m’en aller ! criait-il. Je ne suis pas un oiseau !… Je ne suis pas fait pour voler !… Je veux qu’on me remette à terre… tout de suite !… »

Il va sans dire que Uncle Prudent ne cherchait aucunement à le calmer, ― au contraire. Aussi ces hurlements finirent-ils par impatienter singulièrement Robur.

Or, comme Tom Turner et ses compagnons allaient procéder aux manœuvres de la pêche, l’ingénieur, pour se débarrasser de Frycollin, ordonna de l’enfermer dans son roufle. Mais le nègre continua à se débattre, à frapper aux cloisons, à hurler de plus belle.

Il était midi. En ce moment, l’Albatros se tenait à cinq ou six mètres seulement du niveau de la mer. Quelques embarcations, épouvantées à sa vue, avaient pris la fuite. Cette portion de la Caspienne ne devait pas tarder à être déserte.

Comme on le pense bien, dans ces conditions où ils n’auraient eu qu’à piquer une tête pour fuir, les deux collègues devaient être et étaient