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En un instant, toutes les chances pour ou contre s’étaient présentées à leur esprit. En un instant ils les avaient pesées. Enfin ils allaient s’élancer par-dessus la plate-forme, lorsque plusieurs paires de mains s’abattirent sur leurs épaules.

On les observait. Ils furent mis dans l’impossibilité de fuir.

Cette fois, ils ne se rendirent pas sans résistance. Ils voulurent repousser ceux qui les tenaient. Mais c’étaient de solides gaillards, ces gens de l’Albatros !

« Messieurs, se contenta de dire l’ingénieur, quand on a le plaisir de voyager en compagnie de Robur-le-Conquérant, comme vous l’avez si bien nommé, et à bord de son admirable Albatros, on ne le quitte pas ainsi… à l’anglaise ! J’ajouterai même qu’on ne le quitte plus ! »

Phil Evans entraîna son collègue qui allait se livrer à quelque acte de violence. Tous deux rentrèrent dans le roufle, décidés à s’enfuir, dût-il leur en coûter la vie, et n’importe où.

L’Albatros avait repris sa direction vers l’ouest. Pendant cette journée, avec une vitesse moyenne, il franchit le territoire du Caboulistan, dont on entrevit un instant la capitale, puis la frontière du royaume de l’Hérat, à onze cents kilomètres de Cachemir.

Dans ces contrées, toujours si disputées encore, sur cette route ouverte aux Russes vers les possessions anglaises de l’Inde, apparurent des rassemblements d’hommes, des colonnes, des convois, en un mot tout ce qui constitue le personnel et le matériel d’une armée en marche. On entendit aussi des coups de canon et le pétillement de la mousqueterie. Mais l’ingénieur ne se mêlait jamais des affaires des autres, quand ce n’était pas pour lui question d’honneur ou d’humanité. Il passa outre. Si Hérat, comme on le dit, est la clef de l’Asie centrale, que cette clef allât dans une poche anglaise ou dans une poche moscovite, peu lui importait. Les intérêts terrestres ne regardaient plus l’audacieux qui avait fait de l’air son unique domaine.

D’ailleurs, le pays ne tarda pas à disparaître sous un véritable ouragan de sable, comme il ne s’en produit que trop fréquemment dans ces régions. Ce vent, qui s’appelle « tebbad », transporte des éléments fiévreux avec l’impon-