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p’tit-bonhomme.

il a pu croire qu’il était mon fils !… Le pauvre petit !… Je ne dois guère ressembler à la mère qu’il a eue, j’imagine ?… Ce devait être une femme sérieuse… grave… Dis donc, Élisa, il faudra bien y penser, pourtant…

À quoi, madame ?

À ce que nous en ferons.

— Ce que nous en ferons… maintenant ?…

— Non, pas maintenant, ma fille… Maintenant, il n’y a qu’à le laisser pousser comme un arbuste !… Non… plus tard… plus tard… quand il aura sept ou huit ans… N’est-ce pas à cet âge-là que les enfants vont en pension ?… »

Élisa allait représenter que le gamin devait être déjà habitué au régime des pensions, et l’on sait à quel régime il avait été soumis — celui de la ragged-school. Suivant elle, le mieux serait de le renvoyer dans un établissement — plus convenable, s’entend. Miss Anna Waston ne lui donna pas le loisir de répondre.

« Dis-moi, Élisa ?…

— Madame ?

— Crois-tu que notre chérubin puisse avoir du goût pour le théâtre ?…

— Lui ?…

— Oui… Regarde-le bien !… Il aura une belle figure… des yeux magnifiques… une superbe prestance !… Cela se voit déjà, et je suis certaine qu’il ferait un adorable jeune premier…

— Ta… ta… ta… madame ! Vous voilà encore partie !…

— Hein !… je lui apprendrais à jouer la comédie… L’élève de miss Anna Waston !… Vois-tu l’effet ?…

— Dans quinze ans…

— Dans quinze ans, Élisa, soit ! Mais, je te le répète, dans quinze ans, ce sera le plus charmant cavalier que l’on puisse rêver !.. Toutes les femmes en seront…

— Jalouses ! répliqua Élisa. Je connais ce refrain. Tenez, madame, voulez-vous que je vous dise ma pensée ?…