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l’enterrement d’une mouette.

— Alors, on cherche dans les tas, au coin des bornes ! Il y a toujours quelque chose à trouver…

— Les chiens me mordent, et je ne suis pas assez fort… Je ne peux pas les chasser !

— Vraiment !… As-tu des mains ?…

— Oui.

— Et as-tu des jambes ?

— Oui.

— Eh bien, cours sur les routes après les voitures, et attrape des coppers, puisque tu ne peux pas faire autre chose !

— Demander des coppers ! »

Et P’tit-Bonhomme eut un haut-le-cœur, tant cette proposition révolta sa fierté naturelle. Sa fierté ! oui ! c’est le mot, et il rougissait à la pensée de tendre la main.

« Je ne pourrais pas, monsieur O’Bodkins ! dit-il.

— Ah ! tu ne pourrais pas ?…

— Non !

— Et pourras-tu vivre sans manger ?… Non ! n’est-ce pas !… Je te préviens pourtant qu’un jour ou l’autre, je te mettrai à ce régime-là, si tu n’imagines pas un moyen de gagner ta vie !… Et maintenant, file ! »

Gagner sa vie… à quatre ans et quelques mois ! Il est vrai qu’il la gagnait déjà chez le montreur de marionnettes, et de quelle façon ! L’enfant « fila » très accablé. Et qui l’eût vu dans un coin, les bras croisés, la tête basse, aurait été pris de pitié. Quel fardeau était la vie pour ce pauvre petit être !

Ces petiots, quand ils ne sont pas abrutis par la misère dès le bas âge, on ne saurait s’imaginer ce qu’ils souffrent, et on ne s’apitoiera jamais assez sur leur sort !

Et puis, après les admonestations de M. O’Bodkins, venaient les excitations des polissons de l’école.

Cela les enrageait de sentir ce garçon plus honnête qu’eux. Ils avaient plaisir à le pousser au mal, et ne lui épargnaient ni les perfides conseils ni les coups.