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p’tit-bonhomme.

Bonhomme n’était pas à trente milles de ce hameau de Rindok, perdu au fond du Donegal, où sa vie avait débuté par tant de misères ! Une douzaine d’années s’étaient écoulées et il avait fait son tour d’Irlande, livré à quelles vicissitudes, à quelles alternatives de bonheur et de malheur ?… Cette réflexion lui vint-elle ?… Observa-t-il ce rapprochement singulier ?… Nous ne savons, mais qu’il nous soit permis de l’observer pour lui.

La cargaison de la Doris fut l’objet d’un très sévère examen de la part de M. O’Brien. En qualité et en sortes, les divers articles qui la composaient convenaient parfaitement au patron des Petites Poches. Si elle lui était attribuée à bas compte, il pouvait réaliser un bénéfice considérable et quadrupler à tout le moins son capital. L’ancien négociant n’eût pas hésité à entreprendre l’opération pour son propre compte. Il conseilla même à P’tit-Bonhomme de devancer la vente aux enchères, en faisant des offres amiables à MM. Harrington frères.

Le conseil était bon, il fut suivi. P’tit-Bonhomme s’aboucha avec les créanciers de la Doris. Il obtint la cargaison à un prix d’autant plus avantageux qu’il offrait de payer comptant. Si la jeunesse de l’acheteur ne laissa pas de surprendre MM. Harrington, l’intelligence avec laquelle il discuta ses intérêts leur parut plus surprenante encore. D’ailleurs, M. O’Brien se portant garant, l’affaire alla toute seule, et fut réglée, séance tenante, par un chèque sur la banque d’Irlande.

Trois mille cinq cents livres — à peu près toute la fortune de P’tit-Bonhomme — tel fut le prix auquel il devint acquéreur de la cargaison de la Doris. Aussi, l’opération terminée, éprouva-t-il une certaine émotion dont il ne chercha point à se défendre.

En ce qui concerne le transport de cette cargaison à Dublin, le plus simple était d’y employer la Doris, de manière à éviter le transbordement. Le capitaine ne demandait pas mieux, du moment que son fret lui serait assuré, et, avec un vent convenable, la traversée ne durerait pas plus de deux jours.

Ce point décidé, M. O’Brien et son jeune compagnon n’avaient