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une idée commerciale de bob.

Il suit de là que notre héros alla retirer ses économies de chez l’éditeur, lequel ne laissa pas de lui faire quelques observations sur ses futurs projets. Il n’obtint rien de cet enfant, si supérieur à son âge, et qui n’avait pas l’habitude de se payer de chimères — disposition d’esprit trop commune aux Paddys de tous les temps. Non ! P’tit-Bonhomme était fermement résolu à suivre les chemins qui montent : c’est le seul moyen d’arriver haut, et son précoce instinct lui disait que de quitter Cork pour Dublin, c’était s’élever sur la route de l’avenir.

Et, maintenant, quelle voie prendrait P’tit-Bonhomme, et quel moyen de transport ?

La voie la plus courte, c’est celle que suit le railway jusqu’à Limerick, et de Limerick à travers la province de Leinster jusqu’à Dublin. Le moyen de transport le plus rapide, c’est de prendre le train à Cork et d’en descendre, dès qu’il s’arrête dans la capitale de l’Irlande. Mais ce mode de locomotion avait l’inconvénient de ne pouvoir s’effectuer qu’en dépensant une guinée par personne, et P’tit-Bonhomme tenait à ses guinées. Quand on a des jambes, et de bonnes jambes, pourquoi se faire brouetter en wagon ? De la question de temps, il n’y avait point à s’inquiéter. On arriverait quand on arriverait. On était dans la belle saison, et les chemins du comté ne sont point mauvais de mai à septembre. Et quel avantage, quelle entrée de jeu, si, au lieu de coûter gros, le voyage rapportait, au contraire !

Telle avait été la préoccupation de notre jeune négociant — gagner de l’argent au lieu d’en perdre en frais de route, continuer, de village à village, de bourgade à bourgade, le trafic qui lui avait réussi à Cork, vendre des journaux, des brochures, des articles de librairie et de papeterie, en un mot, faire le commerce en se dirigeant vers Dublin.

Et, pour exercer ce commerce, que fallait-il ?

Rien qu’une charrette, dans laquelle serait déposée la pacotille du marchand forain, et qu’une toile cirée permettrait d’abriter contre la poussière ou