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p’tit-bonhomme.

— Pour la troisième fois, monsieur, insista Petit-Bonhomme, je vous affirme que je ne suis pas un mendiant !

— Que veut ce garçon ? demanda le marquis.

— Parler à Votre Seigneurie. »

Lord Piborne fit un pas, prit une attitude féodale, et, se redressant de toute sa hauteur :

« Vous avez à me parler ? » dit-il.

Il ne le tutoya pas, bien que ce ne fût qu’un enfant. Suprême distinction, le marquis n’avait jamais tutoyé personne, ni la marquise, ni le comte Ashton — ni même, paraît-il, sa propre nourrice, quelque cinquante ans avant.

« Parlez, ajouta-t-il.

— Monsieur le marquis est allé hier à Newmarket ?…

— Oui.

— Hier, dans l’après-midi ?…

— Oui. »

M. Scarlett n’en revenait pas. C’était ce gamin qui interrogeait, et Sa Seigneurie daignait lui répondre !

« Monsieur le marquis, reprit l’enfant, n’avez-vous pas perdu un portefeuille ?…

— En effet, et ce portefeuille ?…

— Je l’ai trouvé sur la route de Newmarket, et je vous le rapporte. »

Et il tendit à lord Piborne le portefeuille dont la disparition avait causé tant de troubles, autorisé tant de soupçons, compromis tant d’innocents à Trelingar Castle. Ainsi, dût son amour-propre en souffrir, la faute en revenait à Sa Seigneurie, l’accusation contre les domestiques tombait d’elle-même, et il n’était plus nécessaire, à son vif déplaisir, que l’intendant allât requérir le constable de Kanturk.

Lord Piborne reçut le portefeuille, à l’intérieur duquel était inscrit son nom avec son adresse, et il constata qu’il contenait les papiers et la banknote.