feuille, elle va où le vent la pousse, et il en sera ainsi jusqu’au moment où elle ne sera plus que poussière. Non ! personne, il n’y a personne qui puisse le prendre en pitié ! S’il ne retrouve pas les Mac Carthy, il ne saura que devenir… Et où les aller chercher ?… À qui demander ce qu’il est advenu d’eux ?… Et s’ils se décident à quitter le pays, en admettant qu’ils n’aient point été emprisonnés, s’ils veulent émigrer, comme tant d’autres de leurs compatriotes, vers le Nouveau-Monde ?…
Notre garçonnet se résolut donc à marcher dans la direction de Limerick — à travers la plaine blanche de neige. La température glaciale n’aurait pas été supportable, s’il eût soufflé quelque âpre bise. Mais l’atmosphère était calme, et le moindre bruit se fût fait entendre de loin. Il alla ainsi pendant deux milles, sans rencontrer âme qui vive, à l’aventure peut-on dire, car il ne s’était jamais risqué sur cette partie du comté, où naissent les premières ramifications des montagnes. En avant, les massifs des sapinières rendaient l’horizon plus obscur.
À cet endroit, P’tit-Bonhomme, déjà très fatigué de son voyage à Tralee, sentit que les forces menaçaient de lui manquer, si endurant qu’il fût. Ses jambes fléchissaient, ses pieds butaient dans les ornières. Et pourtant, il ne voulait pas, non ! il ne voulait pas s’arrêter, et, se traînant avec peine, il parvint néanmoins à franchir un demi-mille. Ce dernier effort accompli, il tomba le long d’un talus, planté de grands arbres, dont les branches ployaient sous les festons du givre.
Il y avait là un carrefour, formé par le croisement de deux routes, en sorte que, s’il eût été capable de se relever, P’tit-Bonhomme n’aurait su quelle direction il devait suivre. Étendu sur la neige, les membres gelés, tout ce qu’il put faire, au moment où ses yeux se fermèrent, où le sentiment des choses s’éteignit en lui, ce fut de crier :
« À moi… à moi ! »
Presque aussitôt, des aboiements éloignés traversaient l’air sec et froid de la nuit. Puis, ils se rapprochèrent, et un chien se dressa au