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p’tit-bonhomme.

John avança un fauteuil armorié sur lequel s’assit la marquise, et il se retira.

Le noble époux s’exprima en ces termes :

« Vous m’excuserez, marquise, si j’ai dû vous prier de vouloir bien quitter vos appartements afin de m’accorder la faveur d’un entretien dans mon cabinet. »

Il ne faut pas s’étonner si Leurs Seigneuries échangent des phrases de cette sorte, même au cours des conversations privées. C’est de bon ton, d’ailleurs. Et puis, ils ont été élevés à l’école « poudre et perruque » de la gentry d’autrefois. Jamais ils ne consentiraient à s’abaisser aux familiarités de ce babil courant que Dickens a si plaisamment appelé « le perrucobalivernage ».

« Je suis à vos ordres, marquis, répondit lady Piborne. Quelle question désirez-vous m’adresser ?

— Celle-ci, marquise, en vous sollicitant de faire appel à vos souvenirs.

— Je vous écoute.

— Marquise, ne sommes-nous pas partis du château hier, vers trois heures de l’après-midi, pour nous rendre à Newmarket chez M. Laird, notre attorney ? »

L’attorney, c’est l’avoué qui fonctionne près les tribunaux civils du Royaume-Uni.

« En effet… hier… dans l’après-midi, répondit lady Piborne.

— Si j’ai bonne mémoire, le comte Ashton, notre fils, nous accompagnait dans la calèche ?

— Il nous accompagnait, marquis, et il occupait une place sur le devant.

— Les deux valets de pied ne se tenaient-ils pas derrière ?

— Oui, comme il convient.

— Cela dit, marquise, répliqua lord Piborne en approuvant d’un léger mouvement de tête, vous vous rappelez, sans doute, que j’avais emporté un portefeuille qui contenait les papiers relatifs au procès dont nous sommes menacés par la paroisse…