Page:Verne - P’tit-bonhomme, Hetzel, 1906.djvu/197

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
186
p’tit-bonhomme.

bleu foncé, allumés d’une prunelle étincelante, témoignaient d’une extraordinaire vivacité. Sa bouche légèrement serrée des lèvres, son menton un peu fort, indiquaient l’énergie et la décision de son caractère. C’est ce qui avait plus particulièrement attiré l’attention de sa nouvelle famille. Ces gens de culture, sérieux et réfléchis, sont d’assez bons observateurs. Il n’avait pu leur échapper que ce garçonnet était un enfant remarquable par ses instincts d’ordre, d’application, et, certainement, il s’élèverait, s’il trouvait jamais l’occasion d’exercer ses aptitudes naturelles.

Les périodes affectées aux travaux de la fenaison et de la moisson présentèrent des conditions moins favorables que l’année précédente. Il y eut un déficit assez considérable, tel qu’on l’avait prévu, en ce qui concernait les grains. Le personnel de la ferme suffit aisément à la besogne, sans qu’il eût été besoin de recourir aux bras du dehors. Cependant la récolte des pommes de terre fut belle. C’était la nourriture en partie assurée pour la mauvaise saison. Mais, cette fois, comment se procurerait-on l’argent nécessaire au paiement des fermages et des redevances ?

L’hiver revint, très précoce. Dès le commencement de septembre, on reçut le premier coup des grands froids. Puis d’abondantes neiges tombèrent. Il fallut de bonne heure rentrer les animaux à l’étable. La couche blanche était si épaisse, si persistante, que ni les moutons ni les chèvres n’auraient pu atteindre l’herbe du sol. De là, cette crainte très fondée que les fourrages fussent insuffisants jusqu’au retour du printemps. Les plus prudents ou du moins ceux qui en avaient les moyens — et Martin Mac Carthy fut du nombre — durent se précautionner par des achats. Il est vrai, ils ne parvinrent à les réaliser qu’à des prix très élevés, vu la rareté de la marchandise, et peut-être eût-il mieux valu se défaire des animaux, dont l’entretien serait compromis par une longue hibernation.

C’est une circonstance très fâcheuse, en tous pays, que ces froids qui gèlent la terre à plusieurs pieds de profondeur, surtout lorsque, légère et siliceuse comme en Irlande, elle a mal retenu le peu d’en-