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double baptême.

Et comme il lui fallait un nom de baptême, on prit le nom d’Edit, que le calendrier marquait ce jour-là.

Edit, soit ! Mais, ce qui paraissait très vraisemblable, c’est qu’il continuerait à s’appeler P’tit-Bonhomme… Ce nom lui allait si bien, et on en avait une telle habitude !

Le jeune parrain fut donc baptisé d’abord ; puis, cette cérémonie terminée, Grand-mère et lui tinrent sur les fonts baptismaux l’enfant qui fut régulièrement et chrétiennement dénommée Jenny, suivant le désir de sa marraine.

Aussitôt la cloche de verser ses plus joyeux tintements sur la paroisse, les pétards d’éclater au sortir de l’église, les coppers de pleuvoir sur les gamins de l’endroit… Et ce qu’il y en avait devant le porche ! C’était à croire que tous les pauvres du comté s’étaient donné rendez-vous à la place de Silton.

Cher P’tit-Bonhomme, aurais-tu jamais pu prévoir qu’un jour viendrait où tu figurerais au premier rang dans une circonstance si solennelle !

Le retour à la ferme se fit d’un pas joyeux, le curé en tête, avec les invités, une quinzaine de voisins et voisines. Tous prirent place devant la table servie dans la grande salle sous la direction d’une excellente cuisinière que M. Martin avait mandée de Tralee.

Il va sans dire que les mets, choisis pour ce festin mémorable, avaient été fournis par les réserves de la ferme. Rien ne venait du dehors, ni les gigots d’agneaux que trempait un jus fortement épicé, ni les poulets baignés d’une sauce blanche aux fines herbes, ni les jambons dont la graisse savoureuse débordait les assiettes, ni les lapins en gibelotte, ni même les saumons et les brochets, puisqu’ils avaient été pêchés dans les vives eaux de la Cashen.

Inutile d’ajouter que le carnet de P’tit-Bonhomme portait exactement toutes ces plantureuses choses sur la colonne de sortie et que sa comptabilité était en règle. Il pouvait donc manger en conscience, boire aussi. D’ailleurs, il y avait là de solides gaillards qui prêchaient d’exemple, de ces estomacs vigoureux que la provenance des mets