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le retour.

récolte impatiemment attendue, une chose qui faisait sourire Grand’mère… Oui ! trois mois ne s’écouleraient pas sans que la famille Mac Carthy se fût accrue d’un nouveau membre, dont Kitty se préparait à lui faire cadeau.

Pendant la fenaison en août, voici que précisément au plus fort de la besogne, un des ouvriers fut pris de fièvre et ne put continuer son travail. Pour le remplacer, il fallait s’adresser à quelque faucheur en chômage, s’il s’en trouvait encore. L’ennui était que M. Martin dût perdre une demi-journée à courir jusqu’à la paroisse de Silton. Aussi accepta-t-il volontiers, lorsque P’tit-Bonhomme offrit de s’y rendre.

On pouvait se fier à lui pour porter un mot et le remettre au destinataire. Cinq milles sur une route qu’il connaissait, puisqu’il la parcourait chaque dimanche, ce n’était pas chose à l’embarrasser. Et même, il se proposait d’aller à pied, les chevaux et l’âne étant occupés au charroi des fourrages. En quittant la ferme de grand matin, il promettait d’être de retour avant midi.

Petit-Bonhomme partit dès l’aube, d’un pas délibéré, ayant dans sa poche la lettre du fermier qu’il devait remettre à l’aubergiste de Silton, et, dans son bissac, de quoi manger en route.

Le temps était beau, rafraîchi par une légère brise de l’est, et les trois premiers milles furent allègrement enlevés.

Personne ni sur le chemin ni à l’intérieur des maisons isolées. Tout le monde était pris par les travaux des champs. À perte de vue, la campagne se montrait couverte de milliers de moffles, qui ne tarderaient pas à être rentrées.

En un certain endroit, la route rencontre un bois épais qu’elle contourne en s’allongeant d’un mille au moins. P’tit-Bonhomme jugea que mieux valait traverser ce bois afin de gagner du temps. Il y pénétra donc, non sans éprouver cette crainte toute naturelle que la forêt inspire aux enfants — la forêt où il y a des voleurs, la forêt où il y a des loups, la forêt où se passent toutes les histoires que l’on raconte pendant les veillées. Il est vrai, en ce qui