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prime à gagner.

lade ! Si vos soins ne parvenaient pas à la sauver, ce serait deux livres — vous entendez, deux livres !… Et remarquez-le, ce que fait notre compagnie, dont l’œuvre est si morale, c’est pour le bien des chers babys… Nous avons intérêt à ce qu’ils vivent, puisque leur existence nous rapporte !… Nous sommes désolés, lorsque l’un d’eux succombe ! »

Non ! Ils n’étaient point désolés, ces honnêtes assureurs, du moment que la mortalité ne dépassait pas une certaine moyenne. Et en offrant de prendre la petite mourante, l’agent avait la certitude de conclure une bonne affaire, ainsi que le démontre cette réponse d’un directeur qui s’y connaissait :

« Au lendemain de l’enterrement d’un enfant assuré, nous contractons plus d’assurances que jamais ! »

C’était la vérité, comme il était également vrai que quelques misérables ne reculaient pas devant un crime pour toucher la prime — infime minorité, hâtons-nous de le dire.

La conclusion est que ces compagnies et leur clientèle doivent être surveillées de très près. Mais, au fond d’un pareil hameau, on était en dehors de tout contrôle. Aussi l’agent n’avait-il pas craint d’entrer en relation avec cette odieuse Hard, bien qu’il ne pût douter de quels actes elle était capable.

« Allons, bonne dame, reprit-il d’un ton encore plus insinuant, ne comprenez-vous pas votre intérêt ?… »

Cependant elle hésitait à donner les neuf pence, même avec la perspective de toucher bientôt la prime de la petite morte.

« Et cela coûterait ?… redemanda-t-elle, comme si elle eût espéré une réduction.

— Trois pence par mois et par enfant, je vous le répète, soit neuf pence.

— Neuf pence ! »

Elle voulut marchander.

« C’est inutile, répliqua l’agent. Songez, bonne dame, que, malgré vos soins, cette enfant peut mourir demain… aujourd’hui… et que la