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la grande cyprière.

Dans ces conditions, on pouvait résister sans désavantage à une soixantaine de Séminoles, et même, s’il le fallait, attaquer Texar, fût-il entouré d’un pareil nombre de ses partisans.

Il avait paru convenable, tant que cela serait possible, de côtoyer le Saint-John. Le fleuve coulait alors vers le sud, par conséquent dans la direction du lac Okee-cho-bee. C’était comme un fil tendu à travers le long labyrinthe des forêts. On pouvait le suivre sans s’exposer à commettre d’erreur. On le suivit.

Ce fut assez facile. Sur la rive droite se dessinait une sorte de sentier — véritable chemin de halage, qui aurait pu servir à remorquer quelque léger canot sur le haut cours du fleuve. On marcha d’un pas rapide, Gilbert et Mars en avant, James Burbank et Edward Carrol en arrière, le régisseur Perry au milieu du personnel des noirs, qui se remplaçaient toutes les heures dans le transport des ballots. Avant de partir, un repas sommaire avait été pris. S’arrêter à midi pour dîner, à six heures du soir pour souper, camper, si l’obscurité ne permettait pas d’aller plus avant, se remettre en route, s’il paraissait possible de se diriger à travers la forêt : tel était le programme adopté et qui serait observé rigoureusement.

Tout d’abord, il fallut contourner la rive orientale du lac Washington — rive assez plate et d’un sol presque mouvant. Les forêts reparurent alors. Ni comme étendue ni comme épaisseur, elles n’étaient ce qu’elles devaient être plus tard. Cela tenait à la nature même des essences qui les composaient.

En effet, il n’y avait là que des futaies de campêches, à petites feuilles, à grappes jaunes, dont le cœur, de couleur brunâtre, est utilisé pour la teinture ; puis, des ormes du Mexique, des guazumas, à bouquets blancs, employés à tant d’usages domestiques, et dont l’ombre guérit, dit-on, des rhumes les plus obstinés — même les rhumes de cerveau. Çà et là poussaient aussi quelques groupes de quinquinas, qui ne sont ici que simples plantes arborescentes, au lieu de ces arbres magnifiques qu’ils forment au Pérou, leur pays natal. Enfin, par larges corbeilles, sans avoir jamais connu les soins de la culture savante, s’étalaient des plantes à couleurs vives,