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navires à voile ou à vapeur pouvaient venir prendre chargement de ces ballots au port même de Camdless-Bay.

Concurremment avec les cotonniers, James Burbank exploitait aussi de vastes champs de caféiers et de cannes à sucre. Ici, c’étaient des réserves de mille à douze cents arbustes, hauts de quinze à vingt pieds, semblables par leurs fleurs à des jasmins d’Espagne, et dont les fruits, gros comme une petite cerise, contiennent les deux grains qu’il n’y a plus qu’à extraire et à faire sécher. Là, c’étaient des prairies, on pourrait dire des marais, hérissés de milliers de ces longs roseaux, hauts de neuf à dix-huit pieds, dont les panaches se balancent comme les cimiers d’une troupe de cavalerie en marche. Objet de soins tout spéciaux à Camdless-Bay, cette récolte de cannes donnait le sucre sous forme d’une liqueur que la raffinerie, très en progrès dans les États du Sud, transformait en sucre raffiné ; puis, comme produits dérivés, les sirops qui servent à la fabrication du tafia ou du rhum, et le vin de canne, mélange de la liqueur saccharine avec du jus d’ananas et d’oranges. Bien que moins importante, si on la comparait à celle des cotonniers, cette culture ne laissait pas d’être très fructueuse. Quelques enclos de cacaoyers, des champs de maïs, d’ignames, de patates, de blé indien, de tabac, deux ou trois centaines d’acres en rizières, apportaient encore un large tribut de bénéfices à l’établissement de James Burbank.

Mais il se faisait encore une autre exploitation qui procurait des gains au moins égaux à ceux de l’industrie cotonnière. C’était le défrichement des inépuisables forêts dont la plantation était couverte. Sans parler du produit des cannelliers, des poivriers, des orangers, des citronniers, des oliviers, des figuiers, des manguiers, des jaquiers, ni du rendement de presque tous les arbres à fruits de l’Europe, dont l’acclimatement est superbe en Floride, ces forêts étaient soumises à une coupe régulière et constante. Que de richesses en campêche, en guazumas ou ormes du Mexique, maintenant employés à tant d’usages, en baobabs, en bois corail à tiges et à fleurs d’un rouge de sang, en paviers, sortes de marronniers à fleurs jaunes, en noyers noirs, en chênes-verts, en pins australs, qui fournissent d’admirables échantillons pour la charpente et la mâture, en pachiriers, dont le soleil de midi fait éclater les