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mistress branican.

« Jane sait-elle que monsieur Andrew vient de se présenter au chalet ?

— Très probablement, Len. Elle l’a vu arriver comme elle l’a vu s’en aller.

— S’il se représentait ici — et ce n’est pas à supposer, du moins de quelque temps, — il ne faut pas qu’il voie Jane, ni Dolly surtout !… Tu entends, Nô ?

— J’y veillerai, Len.

— Et si Jane insistait…

— Oh ! quand tu as dit : je ne veux pas ! répliqua Nô, ce n’est pas Jane qui essayera de lutter contre ta volonté.

— Soit, mais il faut se garder des surprises !… Le hasard pourrait amener une rencontre… et… dans ce moment… ce serait risquer de tout perdre…

— Je suis là, répondit la mulâtresse, et tu n’as rien à craindre, Len !… Personne n’entrera à Prospect-House tant que… tant que cela ne nous conviendra pas ! »

Et, de fait, pendant les deux mois qui suivirent, la maison resta plus fermée que jamais. Jane et Dolly ne se montraient plus, même dans le petit jardin. On ne les apercevait ni sous la véranda, ni aux fenêtres du premier étage qui étaient invariablement closes. Quant à la mulâtresse, elle ne sortait que pour les besoins du ménage, le moins longtemps possible, et encore ne le faisait-elle point en l’absence de Len Burker, de sorte que Dolly ne fut jamais seule avec Jane au chalet. On aurait pu observer aussi que, pendant les derniers mois de l’année, Len Burker ne vint que très rarement à son office de Fleet Street. Il y eut même des semaines qui se passèrent sans qu’il y parût, comme si, prenant à tâche de diminuer ses affaires, il se préparait un nouvel avenir.

Et ce fut dans ces conditions que s’acheva cette année 1875, qui avait été si funeste à la famille Branican, John perdu en mer, Dolly privée de raison, leur enfant noyé dans les profondeurs de la baie de San-Diégo !