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trois mois se passent.

très sérieusement inquiet sur le sort du Franklin, il parut plus sombre, plus soucieux, plus fermé à toutes relations — même pour ses affaires. On ne le vit que rarement dans les rues de San-Diégo, à son office de Fleet Street, et il eut l’air de vouloir se confiner dans l’enclos de Prospect-House.

Quant à Jane, sa figure pâle, ses yeux rougis par les larmes, sa physionomie profondément abattue, disaient qu’elle devait passer de nouveau par de terribles épreuves.

Ce fut vers cette époque qu’un changement se produisit dans le personnel du chalet. Sans motif apparent, Len Burker renvoya la servante, qui avait été gardée jusqu’alors, et dont le service cependant ne donnait lieu à aucune plainte.

La mulâtresse resta uniquement chargée des soins du ménage. À l’exception de Jane et d’elle, personne n’eut plus accès près de Mrs. Branican. M. William Andrew, dont la santé était très éprouvée par ces coups de la mauvaise fortune, avait dû cesser ses visites à Prospect-House. Au surplus, devant la perte presque probable du Franklin, qu’aurait-il pu dire, qu’aurait-il pu faire ? D’ailleurs, depuis l’interruption de ses promenades, il savait que Dolly avait recouvré tout son calme et que les troubles nerveux avaient disparu. Elle vivait, maintenant, elle végétait plutôt dans un état d’inconscience, qui était le caractère propre de sa folie, et sa santé n’exigeait plus aucun soin spécial.

À la fin de juin, M. William Andrew reçut une nouvelle dépêche de Calcutta. Les correspondances maritimes ne signalaient le Franklin sur aucun des points de la route qu’il avait dû suivre à travers les parages des Philippines, des Célèbes, de la mer de Java et de l’océan Indien. Or, comme ce bâtiment avait quitté depuis trois mois le port de San-Diégo, il était à supposer qu’il s’était perdu corps et biens, soit par collision, soit par naufrage, avant même d’être arrivé à Singapore.