Page:Verne - Mistress Branican, Hetzel, 1891.djvu/374

Cette page a été validée par deux contributeurs.
343
journal de mistress branican.

des bribes de serpent. C’était très mangeable à leur avis. J’ai préféré les en croire sur parole.

Il va sans dire que le reptile fut dévoré jusqu’à la dernière bouchée par les indigènes de l’escorte. Ils ne laissèrent même pas perdre le quelque peu de graisse que l’animal avait rendu pendant la cuisson.

Durant la nuit, notre sommeil a été troublé par de sinistres hurlements qui se sont fait entendre à une certaine distance. C’était une troupe de « dingos ». Le dingo pourrait être appelé le chacal de l’Australie, car il tient du chien et du loup. Il possède une fourrure jaunâtre ou d’un rouge brun, et une longue queue très fournie. Fort heureusement, ces fauves se bornèrent à hurler et n’attaquèrent point le campement. En très grand nombre, ils auraient pu être redoutables.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

19 novembre. — La chaleur est de plus en plus accablante, et les creeks que nous rencontrons encore sont presque entièrement desséchés. Il est nécessaire de creuser leur lit, si l’on veut recueillir de cette eau dont nous remplissons nos tonnelets. Avant peu, nous ne pourrons plus compter que sur les puits ; les creeks auront disparu.

Je suis bien obligée de reconnaître qu’il existe une antipathie vraiment inexplicable, on la dirait même instinctive, entre Len Burker et Godfrey. Jamais l’un n’adresse la parole à l’autre. Il est certain qu’ils s’évitent le plus qu’ils peuvent.

Je m’en suis entretenue un jour avec Godfrey.

« Tu n’aimes pas Len Burker ? lui ai-je dit.

— Non, mistress Dolly, m’a-t-il répondu, et ne me demandez pas de l’aimer…

— Mais il est allié à ma famille, ai-je repris. C’est mon parent, Godfrey, et puisque tu m’aimes…

— Mistress Dolly, je vous aime, mais je ne l’aimerai jamais. »