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mistress branican.

Lorsque le nouveau continent, rattaché à la vieille Europe par de simples liens coloniaux que le Royaume-Uni s’opiniâtrait à tenir trop serrés, eut donné une violente secousse, ces liens se rompirent. L’union des États du Nord-Amérique se fonda sous le drapeau de l’indépendance. L’Angleterre n’en conserva plus que des lambeaux, le Dominion et la Colombie, dont le retour est assuré à la confédération dans un temps peu éloigné sans doute. Quant au mouvement séparatiste, il s’était propagé à travers les populations du centre qui n’eurent plus qu’une pensée, un but : se délivrer de leurs entraves quelles qu’elles fussent.

Ce n’était point sous le joug anglo-saxon que pliait alors la Californie. Elle appartenait aux Mexicains, et leur appartint jusqu’en 1846. Cette année-là, après s’être affranchie pour entrer dans la république fédérale, la municipalité de San-Diégo, créée onze ans auparavant, devint ce qu’elle aurait toujours dû être, — américaine.

La baie de San-Diégo est magnifique. On a pu la comparer à la baie de Naples, mais la comparaison serait peut-être plus exacte avec celles de Vigo ou de Rio de Janeiro. Douze milles de longueur sur deux milles de largeur lui ménagent l’espace nécessaire au mouillage d’une flotte de commerce, aussi bien qu’aux manœuvres d’une escadre, car elle est considérée comme port militaire. Formant une sorte d’ovale, ouverte à l’ouest par un étroit goulet, étranglée entre la pointe Island et la pointe Loma ou Coronado, elle est abritée de tous les côtés. Les vents du large la respectent, la houle du Pacifique en trouble à peine la surface, les bâtiments s’en dégagent sans peine, et peuvent s’y ranger par des fonds de vingt-trois pieds minimum. C’est le seul port sûr et praticable, favorable aux relâches, que le littoral de l’ouest offre dans le sud de San-Francisco et dans le nord de San-Quentin.

Avec tant d’avantages naturels, il était évident que l’ancienne ville se trouverait bientôt à l’étroit dans son premier périmètre. Déjà des baraquements avaient dû être élevés pour l’installation d’un détachement de cavalerie sur les terrains couverts de broussailles