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en remontant vers le nord.

roulant à perte de vue. Quelques ondulations les vallonnaient çà et là. Des bouquets d’arbres en relevaient le monotone aspect. Les chariots suivaient sans difficulté l’étroite route, tracée au pied des poteaux télégraphiques, et desservant les stations, établies assez loin les unes des autres. Il était certes incroyable que la ligne, peu surveillée en ces contrées désertes, fût respectée des indigènes.

Et aux observations qu’on lui faisait à ce propos, Tom Marix dut répondre :

« Ces nomades, je l’ai dit, ayant été châtiés électriquement par notre ingénieur, se figurent que le tonnerre court sur ces fils, et ils se gardent bien d’y toucher. Ils croient même que leurs deux bouts se rattachent au soleil et à la lune et que ces grosses boules leur tomberaient sur la tête, s’ils s’avisaient de tirer dessus. »

À onze heures, suivant l’habitude, la grande halte de la journée eut lieu. La caravane s’installa près d’un massif d’eucalyptus dont le feuillage, tombant comme les pendeloques de cristal d’un lustre, ne donnait que peu ou point d’ombre. Là coulait un creek ou plutôt un filet d’eau, à peine suffisant pour mouiller les cailloux de son lit. Sur la rive opposée, le sol se relevant par un brusque épaulement, barrait la surface de la plaine sur une longueur de plusieurs milles de l’est à l’ouest. En arrière, on saisissait encore le lointain profil des Mac-Donnell-Ranges au-dessus de l’horizon.

Ce repos durait d’habitude jusqu’à deux heures. On évitait ainsi de cheminer pendant la partie la plus chaude de la journée. À vrai dire, ce n’était qu’une halte et non un campement. Tom Marix ne faisait alors ni dételer les bœufs, ni débrider les chevaux. Ces animaux mangeaient sur place. On ne dressait point les tentes, on n’allumait point les feux. La venaison froide et les conserves composaient ce second repas, qui avait été précédé d’un premier déjeuner au lever du soleil.

Chacun vint, comme à l’ordinaire, s’asseoir ou s’étendre sur l’herbe dont l’épaulement était revêtu. Une demi-heure écoulée,